S’il est bien un sujet qui passionne les Homme depuis l’Antiquité, c’est bien le temps qu’il fait et tenter de savoir celui qu’il fera demain. Mais depuis la publication des Météorologiques d’Aristote trois siècles avant notre ère, que de chemin parcouru pour comprendre comment fonctionne le ciel et que de progrès réalisés depuis le XVIIe siècle où la démarche scientifique entama sa longue marche. L’invention du baromètre et du thermomètre, l’exploration verticale de l’atmosphère à l’aide de montgolfières, la création de l’Observatoire de Paris en 1863, l’invention du ballon-sonde embarquant des instruments enregistreurs, la création à Paris de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) en 1951, l’arrivée des ordinateurs, puis des satellites. Assurément l’histoire de la météo – dans laquelle la France a toujours joué un rôle moteur – est une véritable épopée à la fois scientifique, technologique et populaire.
Sans forcément connaître les coulisses scientifiques qui permettent les prévisions météo, les Français sont, en effet, toujours aussi en demande de connaître et comprendre le temps qu’il va faire, demain, après-demain, dans dix jours ou dans trois mois. Et s’ils se sont contentés pendant longtemps de lire les prévisions dans leur quotidien préféré ou de suivre les bulletins à la radio ou à la télé, ils sont de plus en plus nombreux à scruter le temps à venir sur internet ou directement sur leur smartphone. Un rapport de Médiamétrie l’été dernier montrait d’ailleurs que nous sommes au quotidien quelque 7,9 millions à consulter les prévisions météo en ligne, soit 12,4 % de la population.
Dès lors on comprend mieux la panique et la colère des Français lorsque, ces dernières semaines, l’application de Météo-France, pourtant la première en France, a délivré des prévisions totalement fantaisistes, annonçant de la pluie quand il ne pleut pas, de la neige par 9 °C ou en ne l’anticipant pas lorsqu’elle paralyse des autoroutes franciliennes. Ce pataquès est imputé par les syndicats de Météo-France à un nouveau système qui, depuis novembre, délivre ses prévisions de façon automatique. Ces erreurs manifestent constituent un coup dur pour la réputation de la vénérable institution et un coup au moral pour les personnels qui alertent de longue date sur la dangereuse baisse des effectifs – quelque 1 500 postes supprimés en 15 ans – et des budgets.
Une situation à laquelle l’État – dont le ministère de la Transition écologique supervise Météo-France – serait bien inspiré d’apporter des réponses. Car on ne peut d’un côté se faire l’apôtre fanfaronnant de la souveraineté technologique française et en même temps ne pas donner les moyens, humains et financiers, au fleuron qu’est Météo-France d’exercer ses missions. À l’heure où le gouvernement se lance dans des coupes budgétaires pour faire face à la dégradation des comptes publics – 10 milliards en 2024 dont 2 sur le budget « écologie, développement et mobilité durable » – il y a de quoi s’inquiéter.
Pour que la France continue à jouer un rôle majeur dans la météorologie mondiale, intègre pleinement les bouleversements que provoque l’irruption de l’intelligence artificielle et apporte des données fiables pour se préparer aux conséquences du changement climatique, il convient de ne pas affaiblir Météo-France ni plus généralement le travail des scientifiques qui préparent la France aux défis de demain.
(Editorial publié dans La Dépêcher du dimanche 24 mars 2024)