L’enquête que vient de réaliser l’Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) des médecins libéraux en Occitanie sur les violences qu’ils subissent est édifiante et préoccupante. 75,9 % des médecins ont ainsi été victimes de violence durant ces trois dernières années, dont 30 % plusieurs fois par an. Les trois quarts de ces violences sont des atteintes à la personne.
Cette violence n’est d’ailleurs pas l’apanage des grands centres urbains puisqu’elle se joue aussi en cabinet de groupe (+14 %) et en milieu rural (+5,1 %). Ces chiffres ne font que confirmer ceux qui ont été établis au niveau national et qui sont en forte hausse. Selon l’Observatoire de la sécurité des médecins, en 2022, pas moins de 1 244 incidents ont été signalés, marquant une hausse alarmante de 23 % par rapport à l’année précédente ; 71 % concernent des médecins libéraux.
Ces chiffres, aussi glaçants que révélateurs, ne sont, hélas, que la partie émergée de l’iceberg, car nombre d’entre eux restent dans l’ombre, non déclarés par les praticiens, par empathie ou par résignation – six médecins sur dix ne déposent pas plainte.
Face à cette violence, le gouvernement a lancé en septembre dernier un plan interministériel pour la sécurité des professionnels de santé, qu’ils exercent à l’hôpital ou en médecine de ville. Élaboré à partir d’un rapport remis en juin 2023 par deux personnalités qualifiées, le docteur Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins France et Nathalie Nion, cadre supérieure de santé à l’APHP, ce plan d’actions présenté par Agnès Firmin le Bodo s’articulait autour de trois axes : sensibiliser le public et former les soignants, prévenir les violences et sécuriser l’exercice des professionnels, et déclarer les agressions et accompagner les victimes.
Parmi les 42 mesures, la création d’un délit unique d’outrage pour couvrir tous les professionnels de santé, ou encore des dispositifs d’alerte notamment pour les professionnels libéraux les plus exposés, afin de faciliter l’alerte et la demande d’assistance de façon discrète grâce à un bracelet ou un bouton caché dans une poche ou autre.
Face à l’escalade de ces violences, ces mesures étaient nécessaires mais seront-elles suffisantes pour endiguer un phénomène qui prend racine dans un mal-être social profond ? Car ce sujet ne concerne pas que les soignants mais la société tout entière. Les Français étaient capables d’applaudir à leurs fenêtres les soignants chaque soir pendant l’épidémie de Covid ; les mêmes doivent aujourd’hui montrer le même respect et ne pas reporter sur leurs médecins leur impatience, leurs frustrations ou les rendre responsables de tous les dysfonctionnements du système de santé, au risque de décourager ceux qui exercent la médecine ou qui aspirent à le faire.
Il est temps, collectivement, de prendre soin des soignants pour que la médecine reste une mission et non un sacerdoce à risques.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 15 mars 2024)