Il suffit parfois que la parole se libère pour que ce qui était tu soit mis en pleine lumière, pour que ce qui était tabou reçoive l’attention méritée, pour que ceux qui vivaient dans la peur du regard des autres redressent la tête pour mieux faire front. En prenant la parole le 22 mars dernier pour annoncer publiquement qu’elle souffrait d’un cancer, qu’elle avait entamé une chimiothérapie et qu’elle allait se battre contre la maladie, la princesse de Galles, Kate Middleton, sous pression des tabloïds et des réseaux sociaux depuis des semaines, a eu le courage de parler. Avant elles son beau-père le roi Charles III, avait lui aussi communiqué sur son cancer. D’autres personnalités, chanteurs, acteurs, artistes, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en France ont pris la parole ces dernières années pour annoncer leur maladie, parfois raconter leur vie bouleversée puis leur rémission.
Si la déclaration de la princesse a autant marqué les esprits, c’est bien sûr parce qu’elle a été très médiatisée, comme toujours lorsqu’il s’agit de la couronne britannique, mais aussi parce qu’elle n’a que 42 ans. À cet égard, elle a battu en brèche la tenace idée reçue selon laquelle on ne contracterait un cancer qu’après le mitan de sa vie, pas avant 50, 60, 70 ou 80 ans. Il n’en est rien, le cancer frappe tout le monde, hommes et femmes, et même ceux de moins de 50 ans comme l’a montré l’année dernière une étude préoccupante publiée le BMJ Oncology. Ces trente dernières années, le nombre de personnes de moins de 50 ans chez qui un cancer a été diagnostiqué a augmenté d’environ 80 %, expliquait l’étude qui s’est focalisée sur la trentaine de cancers les plus répandus. D’autres travaux plus anciens avaient aussi montré qu’on observait chez les sujets plus jeunes une recrudescence de cancers (intestin, estomac, sein, utérus, pancréas) que l’on considérait jusqu’alors comme spécifiques à des groupes plus âgés. Pour l’heure, les scientifiques n’avancent pas d’explication unique à l’augmentation du nombre de cancers chez les moins de 50 ans. La génétique, le mode vie peuvent jouer dans ces apparitions précoces.
« Les cancers constituent un ensemble de pathologies dont la fréquence, le pronostic et l’évolution sont très variables » relevait en juillet dernier Santé publique France, qui estimait que « tous cancers confondus, les évolutions du taux d’incidence combinées aux évolutions démographiques ont conduit à un doublement du nombre de nouveaux cas de cancers depuis 1990 chez l’homme et la femme. » L’Organisation mondiale de la Santé estimait début février que « plus de 35 millions de nouveaux cas de cancer devraient être enregistrés en 2050, soit une augmentation de 77 % par rapport aux 20 millions de cas estimés en 2022. »
Face à ce défi mondial, face à ces cancers qui brisent des familles, la réponse doit être double. D’un côté faire progresser la recherche qui a fait des bonds spectaculaires ces dernières années entre radiothérapie plus ciblée et moins invasive, immunothérapies, nouveaux traitements et vaccins. Dans cette bataille, la France est incontestablement en pointe. De l’autre côté, il faut muscler la prévention, sensibiliser les plus jeunes, améliorer les diagnostics et pour cela simplifier et rassurer.
La Fance doit mieux penser ses campagnes de prévention et mieux alerter sur les facteurs de risque connus (tabac, alcool, alimentation trop salée, sucrée et grasse). Il n’y a pas de fatalité, on peut réduire les cancers évitables (40 %) et au final faire baisser les 150 000 décès annuels.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 30 mars 2024)