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Duel de mal-aimés

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À l’issue des primaires du Super Tuesday hier, il ne devrait plus faire de doutes que Donald Trump et Joe Biden s’affronteront bien pour l’élection présidentielle américaine de novembre 2024. S’il était attendu, ce match retour entre le président sortant démocrate et son rival républicain battu en 2020 ne satisfait ni les électeurs ni les observateurs, tant il révèle le manque de renouvellement politique dans les deux grands partis. Avec Joe Biden, 81 ans, et Donald Trump, 77 ans, les Américains se retrouvent en tout cas à choisir entre deux hommes âgés, qui incarnent davantage le passé que l’avenir.

Une situation paradoxale pour un pays qui a souvent misé sur la jeunesse et le renouveau, comme avec John Fitzgerald Kennedy en 1960, Bill Clinton en 1992 ou Barack Obama en 2008. Voir se transformer un peu plus la démocratie américaine en une gérontocratie pourrait décourager la participation électorale, notamment chez les jeunes et les minorités, qui peuvent se sentir exclus d’un système politique aujourd’hui plus polarisé que jamais. Sauf accident, Trump et Biden les mal-aimés devraient être investis cet été et, plus encore qu’il y a quatre ans, portent la vision de deux Amériques aux antipodes, quasiment irréconciliables et dont on se demande comment elles pourront encore faire nation après l’élection de novembre, quel que soit le vainqueur.

D’un côté, Donald Trump a réussi à écarter tous ses rivaux potentiels au sein du parti républicain, qu’il domine désormais de sa personnalité autoritaire et clivante. Malgré les scandales, les mensonges, les provocations et une kyrielle d’affaires judiciaires dont celle concernant son implication dans la tentative de coup d’État du 6 janvier 2021, l’ex-président semble insubmersible, soutenu par une base de fidèles qui le suivent depuis 2016 et le voient comme le seul défenseur des valeurs conservatrices et du rêve américain, quitte à verser dans le culte de sa personnalité.

Trump ne s’encombre d’ailleurs pas de bâtir un programme électoral et enchaîne les meetings avec un seul objectif : prendre sa revanche sur Joe Biden qui, selon lui et sans avoir jamais avancé la moindre preuve, lui a volé sa réélection en 2020. À la promesse de procéder à une vaste purge de tous ceux qui ne l’ont pas soutenu, Donald Trump envisage son nouveau mandat sous le signe d’un néo-isolationnisme dont il a donné un aperçu récemment en expliquant qu’il ne défendrait pas les pays membres de l’Otan…

De l’autre, Joe Biden, 82 ans, tente de se faire réélire après avoir rompu sa promesse de ne faire qu’un seul mandat. Le vétéran de la politique a lui aussi écarté ses rivaux presque sans coup férir, car dans un parti démocrate très divisé entre une aile gauche radicale et une aile plus modérée, il est apparu comme le plus petit dénominateur commun. Se rappelant combien la division avait été délétère par le passé, les démocrates ont préféré se ranger derrière Biden en dépit des questions qui se posent sur son état de santé en raison des bourdes récurrentes du président sortant.

En retard dans les sondages, Biden, qui reste le tenant d’une Amérique défenseure du multilatéralisme et du libre-échange, compte sur son bilan économique plutôt bon et les premiers effets de son vaste plan d’investissements. Mais si autrefois cela aurait suffi pour emporter l’adhésion, cette fois-ci, l’élection – qui n’est pas à l’abri de manipulations numériques ou d’ingérences étrangères – se jouera sur autre registre marqué par l’irrationnel.

Au final tout dépendra de la mobilisation des Américains – et notamment des jeunes – dans cette élection surveillée par le monde entier.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 6 mars 2024)

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