Les États-Unis s’apprêtent à revivre un « match » retour redoutable à l’issue encore incertaine. Donald Trump et Joe Biden devraient, sauf coup de théâtre, se retrouver, en effet, face à face pour l’élection présidentielle de novembre 2024. Le milliardaire républicain est animé par un ardent désir de revanche – de vengeance ? – pour revenir à la Maison Blanche dont il a été chassé en 2020. Le président démocrate, qui aurait pu passer la main, brigue un second mandat pour faire barrage au butor républicain.
En 2016, lorsque Donald Trump a été élu président des États-Unis face à la favorite Hillary Clinton – à la surprise générale, y compris la sienne – nombreux étaient ceux qui pensaient qu’il ne s’agissait là que d’un accident de l’Histoire, que le trumpisme ne serait au final qu’une page à tourner et que ce « vertige » – pour reprendre le mot lâché par l’ambassadeur de France à Washington Gérard Araud le soir de l’élection – finirait par être effacé. Las ! Sept ans plus tard, le trumpisme est toujours là, plus en forme que jamais. En dépit de la kyrielle de procédures judiciaires qui lui valent des inculpations pénales, Donald Trump semble aussi inoxydable que l’est le soutien dont il bénéficie de la part de sa base électorale fanatisée. Tout – pour l’heure – semble glisser sur lui et même les bons résultats économiques engrangés par Joe Biden ne semblent pas lui faire obstacle.
Donald Trump, dont chaque apparition devant les tribunaux est l’occasion de se dire victime d’une « cabale » et d’appeler aux dons pour sa campagne, entend bien coûte que coûte laver l’affront de sa défaite de 2020, ou plutôt, selon lui, de cette élection qu’on lui a volée. Une fake news, un mensonge éhonté répété perpétuellement depuis trois ans, relayé par les médias conservateurs mais aussi les ténors du parti républicain. Car en dépit de ses affaires et de son implication dans la tentative de coup d’État provoquée par ses partisans le 6 janvier 2021 au Capitole pour renverser l’élection de Biden, Trump a verrouillé le parti, empêchant toute voix discordante ou même nuancée. Même ses deux rivaux pour la primaire républicaine dont il snobe les débats télévisés, Ron DeSantis et Nikky Haley, n’osent pas frontalement s’attaquer à lui.
Cette emprise de l’ancien président sur son parti démontre en tout cas combien son élection pourrait s’avérer dangereuse pour la démocratie américaine. Car si, en 2016, il découvrait l’exercice du pouvoir de façon chaotique en même temps que la solidité des institutions face à ses décisions erratiques, cette fois, Donald Trump et ses équipes sont beaucoup plus organisés et préparent une grande chasse aux sorcières dans l’appareil d’État visant tous ceux qui ne l’ont pas soutenu. Un avant-goût de cette mise au pas a déjà été observé avec les décisions de la Cour suprême – dont trois juges ont été nommés par Trump. La spectaculaire remise en cause du droit à l’avortement a ainsi donné le ton de l’orientation qui serait celle d’un deuxième mandat Trump pour les libertés publiques et la démocratie américaine.
Une sombre dystopie totalitaire qui défigurerait les États-Unis tels que voulus par leurs pères fondateurs. Un vertige…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 26 décembre 2023)