Accéder au contenu principal

Voyager vert

avion

La dernière publication de l’Association du transport aérien international (IATA) vient d’apporter une réponse cinglante à tous ceux qui, au nom de la lutte – légitime et cruciale – contre le réchauffement climatique, proposent d’instaurer un quota de quatre trajets en avion par personne pour toute leur vie, ou réclament l’interdiction des vols pour une certaine durée de trajet. En effet, selon les prévisions de l’IATA, qui regroupe 295 sociétés du secteur aérien, quelque 4,7 milliards de personnes devraient voyager en 2024. Un record historique qui dépassera le niveau de 4,5 milliards enregistré en 2019, c’est-à-dire avant la pandémie de Covid-19 qui avait mis à genoux l’aviation mondiale.

Autant dire que l’envie de voyager, de découvrir des horizons très lointains ou des destinations plus proches n’a jamais été aussi forte. Comme si après les confinements du Covid qui nous ont fait nous recroqueviller sur nous-mêmes, nous avions envie de redécouvrir le monde. Dans son enquête, l’IATA observe ainsi qu’un tiers des personnes interrogées déclarent voyager plus qu’avant la pandémie et qu’à l’avenir 44 % voyageront davantage au cours des 12 prochains mois qu’au cours des 12 mois précédents. Seuls 7 % disent qu’elles voyageront moins…

Évidemment, de telles perspectives sont accueillies avec enthousiasme par les constructeurs d’avions, à commencer par Airbus qui a désormais un carnet de commandes rempli pour les dix ans qui viennent. Ce qui n’est pas sans poser problème car il va falloir tenir la cadence pour assurer les livraisons et répondre à la demande. L’avionneur, qui devrait engranger des bénéfices records, va d’ores et déjà devoir augmenter son rythme de production. Assurément de bon augure pour l’emploi, en Occitanie notamment.

Mais un gros nuage jette une ombre inquiétante dans le beau ciel bleu de l’IATA. Les prévisions de ce trafic aérien en forte hausse sont tombées alors que se tenait la COP28 à Dubaï qui a trouvé un accord inespéré sur la « transition » hors des énergies fossiles et a appelé à réduire drastiquement les émissions de CO2. Le secteur aérien a, comme d’autres secteurs industriels, une responsabilité puisque les émissions de CO2 de l’industrie en 2024 devraient s’élever à 939 millions de tonnes provenant d’une consommation de 99 milliards de gallons de carburant. La décarbonation de l’aviation est donc une urgence.

L’industrie aéronautique, assure l’IATA, augmentera son utilisation de carburants d’aviation durables (SAF) et de crédits carbone pour réduire son empreinte carbone. La production de SAF pourrait atteindre 0,53 % de la consommation totale de carburant des compagnies aériennes en 2024. Un premier pas, largement soutenu par les pouvoirs publics. Un Contrat stratégique de filière « Aéronautique 2024-2027 » vient d’être signé notamment pour décarboner la chaîne de valeur et créer une filière de production française de carburants aéronautiques durables, qui devrait être capable d’en produire 500 000 tonnes par an à l’horizon 2030.

S’ils constituent une étape vers un « avion vert », les carburants durables ne seront, d’évidence, pas suffisants pour mettre l’aviation dans une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris. Comme pour tout ce qui concerne les énergies, pour nos déplacements, il faudra combiner à l’avenir une part de sobriété en utilisant une palette de moyens de transport (trains, TGV, avion) et une part d’innovation. L’aéronautique s’est toujours réinventée, à coups de ruptures technologiques, relevant le défi de la vitesse avec le Concorde ou celle de l’aviation de masse. Relèvera-t-elle le défi environnemental ?

(Editorial publié dans La Dépêche du lundi 18 décembre 2023)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...