Ils se font appeler Kevin, Sonia, Marc ou Patricia. Ils vous contactent sur les réseaux sociaux, les sites de rencontre ou par courriel. Ils vous séduisent, vous font des déclarations enflammées, vous promettent le grand amour. Mais derrière ces faux profils se cachent des cybercriminels qui n’ont qu’un seul but : vous soutirer de l’argent. Ces arnaqueurs sont connus sous le nom de « brouteurs », un terme qui vient de l’argot ivoirien et qui désigne des « moutons qui se nourrissent sans effort » et sont principalement originaires d’Afrique de l’Ouest. Ils opèrent depuis des cybercafés, où ils passent des heures à repérer leurs victimes potentielles, souvent des personnes âgées, isolées ou fragiles.
Leur mode opératoire est bien rodé. Ils utilisent des photos volées sur internet pour se créer de fausses identités et entamer une relation virtuelle avec leur cible, en lui envoyant des messages romantiques, des poèmes, des photos, des vidéos. Une fois la confiance gagnée et la dépendance affective installée, l’implacable mécanique de l’arnaque démarre. Les « brouteurs » inventent un prétexte pour demander de l’argent (problème de santé, héritage bloqué, dette à rembourser…) et réclament à leur victime de leur envoyer des coupons PCS, ces cartes prépayées qui permettent de transférer de l’argent sans laisser de trace. Puis la demande se fait menace et chantage.
Le phénomène, qui remonte aux années 2000 avec l’arrivée d’Internet, est devenu alarmant. Selon la plateforme Cybermalveillance, les arnaques aux sentiments représentent 23 % des signalements reçus en 2023, contre 13 % en 2022. Le préjudice moyen s’élève à 15 000 euros par victime, mais il peut atteindre jusqu’à 100 000 euros dans certains cas. Les conséquences de ces arnaques aux sentiments sont évidemment dévastatrices pour les victimes puisque non seulement elles subissent des pertes financières importantes, mais elles sont également profondément affectées sur le plan émotionnel, certaines sombrant dans une vraie détresse psychologique.
Face à cette menace qui nuit par ailleurs à l’image des pays africains d’où partent ces arnaques, les autorités se mobilisent. En France, la police judiciaire dispose d’une division spécialisée dans la lutte contre la cybercriminalité, qui traque les brouteurs et coopère avec les pays d’origine, dont certains manquent toutefois d’entrain. En Côte d’Ivoire, épicentre des arnaques francophones, une loi a été adoptée il y a déjà 10 ans pour sanctionner les cyberescrocs, qui risquent jusqu’à 20 ans de prison et 10 millions de francs CFA d’amende.
Mais la meilleure arme reste évidemment la prévention de tous côtés. Il faut sensibiliser les internautes aux risques du « broutage », leur apprendre à reconnaître les signes d’une arnaque et à vérifier l’identité de leur interlocuteur, à ne jamais envoyer d’argent à un inconnu et à les encourager à signaler toute tentative d’escroquerie, à porter plainte le cas échéant. Cette prévention doit aussi se faire dans les pays africains car leur population aussi est victime de ces escroqueries en ligne.