À quoi reconnaît-on un ministre « politique » ? À sa capacité à maîtriser sa communication en toutes circonstances et à savoir rebondir sur une actualité qui lui est a priori défavorable en allumant les contre-feux nécessaires. Depuis cet été Gabriel Attal, à la tête du ministère de l’Éducation nationale, répond parfaitement à la définition du ministre « politique ». L’ambitieux trentenaire s’est ainsi très vite hissé au sommet des palmarès de popularité des instituts de sondage en tranchant sur l’interdiction de l’abaya – là où la prudence de son prédécesseur, Pap Ndiaye, apparaissait comme un défaut –, en se mobilisant sur le harcèlement scolaire qu’il a intimement vécu, ou en lançant habilement des ballons d’essais sur l’uniforme à l’école ou les groupes de niveau au collège, le tout entre ménagement des syndicats enseignants essorés par la gestion de Jean-Michel Blanquer et œillades à la droite et ses marottes.
Ce savoir-faire s’est encore manifesté hier avec une kyrielle de mesures censées créer un « choc des savoirs » et « élever le niveau de notre école », présentées opportunément le jour même où l’OCDE publiait sa vaste enquête PISA montrant une « baisse inédite » des performances des élèves dans 81 pays dont la France, où l’effondrement du niveau est aussi patent qu’inquiétant, notamment en mathématiques. La moyenne de la France dans cette matière, restée stable entre 2006 et 2018, a, en effet, baissé de 21 points et est la plus basse jamais mesurée depuis 2000 ! Notre pays reste dans la moyenne des 38 pays de l’OCDE mais se classe 22e en maths, 24e en compréhension de l’écrit et 22e en sciences. Terrible pour la 7e puissance mondiale…
Pour ne pas laisser le choc des données PISA infuser dans le débat public et inquiéter enseignants comme parents d’élèves, Gabriel Attal a donc voulu montrer qu’il appréhendait bien les problèmes et entendait agir en évitant tout déni. « Les résultats de PISA sont très clairs : oui, il y a un problème au collège et notamment en mathématiques », a reconnu le ministre, qui avait déjà pris la mesure de la situation avec les évaluations de son ministère, et qui a hier appelé à un « sursaut ». Nouvelle épreuve de mathématiques en première, brevet indispensable pour le passage au lycée, changement des règles pour le redoublement, nouveaux programmes en primaire et recours à la méthode de Singapour qui permet à la cité-Etat d’être sans cesse n° 1 au classement PISA, mise en place de groupes de niveau au collège, outil d’intelligence artificielle en seconde, etc. N’en jetez plus ! Tant de chantiers donnent le tournis. « École, collège, lycée : mon souhait est bien de remettre de l’exigence à tous les étages. Avec la science et le bon sens comme boussole », a martelé hier le ministre au milieu des livres dU CDI d’un collège parisien.
Ce branle-bas de combat est, d’évidence, absolument nécessaire et urgent pour freiner la dégradation du niveau des élèves français, mais sera-t-il suffisant ? Ainsi la multiplicité des chantiers annoncés ne couvre pas complètement les problèmes que remontent depuis des mois les syndicats sur la pénurie d’enseignants, les classes surchargées, la mixité scolaire et leur mise en œuvre sera complexe. Plus que de moyens – le Budget 2024 de l’Éducation nationale est de 63,6 milliards d’euros – ou d’effets de communication usés et déjà vus, c’est de cohérence et d’efficacité dont Gabriel Attal va devoir faire preuve s’il veut laisser sa trace rue de Grenelle.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 6 janvier 2023)