En qualifiant Marie-José Montesinos et Jean-Paul Vidal d’ « amants diaboliques » dans l’affaire des disparus de Mirepoix – ils comparaissent à partir d’aujourd’hui devant la cour d’assises de l’Ariège, accusés des meurtres de Christophe Orsaz et de sa fille, Célia – l’opinion s’est immédiatement rappelé le film d’Henri-Georges Clouzot, « Les diaboliques », magistrale histoire d’une machination dans laquelle s’enfoncent Simone Signoret, Véra Clouzot et Paul Meurisse. S’il ne s’était pas librement inspiré du roman de Boileau-Narcejac, « Celle qui n’était plus », le film aurait tout aussi bien pu s’appuyer sur de vraies affaires criminelles. Car il y a eu de nombreux « amants diaboliques » au fil des ans, en France comme à l’étranger.
En 1953, un an après la publication du roman – sans qu’il y ait un lien – à Arreau dans les Hautes-Pyrénées, un couple tue un homme qu’il hébergeait depuis six mois et évite de justesse la peine capitale. En 1956, autre affaire : le procès « des amants de Vendôme », qui ont commis un infanticide, s’ouvre et soulève de nombreuses interrogations dans un contexte d’après-guerre. La femme est condamnée aux travaux forcés à perpétuité, son amant à 20 ans de la même peine. En 1972, Bernard Cousty fut, lui, condamné à mort par la cour d’assises de Haute-Vienne pour avoir tué, deux ans plus tôt, sa femme et le mari de sa maîtresse. L’affaire de ces « amants diaboliques » de Bourganeuf est si retentissante qu’elle inspirera en 1973 le film de Claude Chabrol « Les Noces rouges », avec Michel Piccoli et Stéphane Audran dans le rôle des amants.
En 2001, l’Allemand Peter-Uwe Schmitt et sa compagne belge Aurore Martin ont été condamnés à respectivement 20 et 15 ans de réclusion par la cour d’assises de Bruxelles, pour avoir tué Marc Van Beers en provoquant un faux accident de voiture en Corse en 1995, afin de toucher d’importantes assurances-vie. En 2016, un couple est jugé à Toulouse pour un « meurtre en bande organisée » commis le 28 septembre 2011 près de Cazères-sur-Garonne : la femme et son amant écopent de 18 mois de prison. Et tant d’autres affaires.
Ces « amants diaboliques », partenaires de crimes, n’ont, à dire vrai, rien de romantique. Par cupidité, vengeance, jalousie, voire cruauté – la terrible banalité du mal – ils additionnent leur violence pour la déchaîner contre leurs femmes, leurs maris ou leurs proches au terme de plans alambiqués ou minutieusement préparés, qui ne résistent heureusement pas à la persévérance des enquêteurs. Ainsi dans l’affaire des disparus de Mirepoix, il aura fallu sept mois aux enquêteurs pour remonter méticuleusement la piste de Marie-José Montesinos et Jean-Paul Vidal et mettre au jour le scénario d’un double meurtre dont ils répondent désormais devant la justice.
Une justice qui ne juge pas un couple mais bien deux individus dont il va falloir déterminer les responsabilités personnelles et leur degré de complicité en décortiquant leurs mobiles, leurs relations, le potentiel degré d’emprise de l’un sur l’autre. Cet exercice est évidemment une terrible épreuve pour les proches des victimes qui craignent de les voir salies après avoir longtemps attendu le procès. Mais il est indispensable pour que la justice fasse son travail, rende une décision au nom du peuple français et que les familles puissent enfin faire leur deuil.