Jogging et regard noirs, large pull et cheveux blancs, elle s’avance lentement dans le box vitré des accusés de la cour d’assises des Hauts-de-Seine à Nanterre, hier, hésitante, comme apeurée par le crépitement des flashs des journalistes auxquels elle a consenti d’apparaître. Elle s’assoit, seule pour la première fois, sur le banc et baisse la tête, avant que son procès ne démarre. Cette fragilité apparente pourrait presque faire passer cette femme de 75 ans pour une pauvre petite chose, elle qui a jadis longtemps été considérée comme la victime soumise et manipulée de son mari.
Mais Monique Olivier est aujourd’hui dans le box pour répondre de ses actes, accusée de complicité de Michel Fourniret dans les enlèvements et les meurtres de trois jeunes filles, Estelle Mouzin, Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish. Année après année, les enquêteurs ont acquis la conviction que si Fourniret, décédé en 2021, était l’ogre des Ardennes, elle en était bien l’ogresse, s’il était le baril de poudre, elle en était la mèche. Ce duo infernal, ce couple diabolique – comme d’autres hélas qui ont marqué la chronique judiciaire – était bel et bien inséparable.
Car au fil ans, Monique Olivier, qui s’est d’abord murée dans le silence, a changé de versions à de multiples reprises, a tergiversé pour négocier sa collaboration, a fini par livrer des informations cruciales aux enquêteurs, contredisant les alibis de son mari, reconnaissant son rôle dans la séquestration d’Estelle Mouzin, indiquant des lieux de sépulture. Aveux tardifs qui ont permis de relancer les investigations, aveux parcellaires qui ont suscité la légitime colère et exacerbé l’insondable désespoir des familles des victimes.
Le procès de Monique Olivier est aujourd’hui essentiel à plus d’un titre et d’abord pour ces familles qui attendent depuis si longtemps de connaître la vérité et qui savent combien les audiences des jours à venir seront éprouvantes, angoissantes et peut-être décevantes. Ce procès est pour elles sans doute le dernier espoir de savoir ce qui s’est vraiment passé et de pouvoir ensuite – si c’est possible – faire leur deuil. Leur courage et leur dignité jamais démentis depuis toutes ces années forcent notre respect et notre empathie à leur égard.
Ce procès est aussi important pour tous ceux qui ont enquêté sur le parcours macabre du couple Fourniret-Olivier. Depuis 1987 et toutes les années suivantes, des défaillances, des ratés ont eu lieu et la justice a été parfois bien trop lente pour appréhender l’étendue des crimes et en saisir toutes les connexions. Les affaires Fourniret ont constitué, d’évidence, un dossier hors normes ; le procès de celle qui a accompagné cet itinéraire criminel pourra peut-être permettre de mesurer ce qui a été manqué, ce qu’il faudrait corriger.
Ce procès est important, enfin, pour l’institution judiciaire elle-même. À l’heure où des groupuscules d’ultra-droite appellent les Français à faire justice eux-mêmes, à l’heure où des personnalités d’extrême droite fantasment une France face à face au bord de la guerre civile, les juges et jurés de Nanterre ont la lourde tâche de montrer combien un procès équitable est la condition même d’un État de droit.
« Je regrette tout ce qu’il s’est passé », a lancé hier Monique Olivier. Ira-t-elle plus loin et livrera-t-elle, enfin, la vérité ? C’est tout l’espoir de ce procès.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 29 novembre 2023)