La disparition de Delphine Jubillar, survenue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, n’a toujours pas été résolue mais est déjà entrée dans l’histoire des grandes affaires judiciaires françaises. Le mystère reste, en effet, entier sur les circonstances de la disparition de la jeune infirmière et l’absence de découverte de corps rappelle le souvenir terrible d’autres dossiers emblématiques qui ont passionné les Français : de l’affaire Seznec au début du XXe siècle jusqu’à l’affaire Viguier à Toulouse dans les années 2000 en passant par l’affaire Le Roux, qui s’étalera sur plus de trois décennies.
Autant d’affaires qui attestent que l’absence de corps n’empêche pas la tenue d’un procès. Le réquisitoire du parquet de Toulouse, qui a demandé le 3 novembre le renvoi de Cédric Jubillar devant les assises pour le meurtre de son épouse, vient une nouvelle fois de le démontrer. Les enquêteurs ont, en effet, accumulé, en bientôt trois années, un faisceau d’indices graves et concordants contre l’artisan. Les témoignages des enfants du couple évoquant une dispute, ceux de voisins ayant entendu des cris, une paire de lunettes que portait Delphine le soir de sa disparition retrouvée brisée, des traces de sang détectées dans la maison, etc. Et aussi le comportement de Cédric Jubillar lui-même, qui clame toujours son innocence, mais dont on peine à cerner le profil.
Quelle est la personnalité de ce père de deux enfants qui avait participé activement aux battues pour retrouver son épouse ? Qui est ce peintre-plaquiste dont on a découvert, au printemps 2021, qu’il avait une nouvelle compagne avec laquelle il a échangé de nombreux courriers dans lesquels il écrivait « On ne peut avoir confiance en personne, sauf entre nous deux au final… ». Quel est cet homme qui a confié à son co-détenu avoir tué et enterré sa femme ? Est-ce un redoutable manipulateur ? Ou alors un homme sous pression, injustement accusé, alors que l’enquête, qui a connu des ratés, n’a pas fait émerger l’élément capital à même de faire basculer l’affaire et d'emporter les convictions ? Cédric Jubillar dispose encore de recours possibles. Et si un procès finit par se tenir à Albi fin 2024 ou début 2025, il pourra toujours espérer bénéficier du doute raisonnable, celui-là même qui pourrait lui éviter la réclusion criminelle à perpétuité.
En attendant un hypothétique aveu, le mystère reste entier et la vérité dans le brouillard. Ce qui avive la douleur des proches de Delphine, qui continuent de lui rendre hommage et qui réclament justice. Pour l’heure, l’affaire Jubillar est un drame sans fin.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 8 novembre 2023)