Accéder au contenu principal

Les déserts et le dogme

medecin

Les déserts médicaux ont-ils vocation à rester des marronniers, ces sujets d’actualité qui reviennent chaque année à la même période ? On serait tenté de le croire tant les déserts médicaux s’invitent régulièrement dans la presse, notamment chaque automne à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances de la Sécurité sociale ou ailleurs dans l’année lorsque des populations se mobilisent pour sauver ici une maternité, là un service d’urgence dans des départements isolés, ou lorsque des associations de patients ou d’élus publient enquêtes et rapports sur une situation qui s’enlise.

Cette année 2023 ne fait, hélas, pas exception à la règle et deux grandes enquêtes viennent de montrer coup sur coup la persistance des déserts médicaux pour la médecine générale ou spécialisée. La première vient de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Après deux études sur les ruraux qui pâtissent d’une surmortalité (avril 2023) et d'un accès à la médecine de ville assez rare (novembre 2022), l’association révèle dans sa nouvelle enquête « des écarts de consommation de soins hospitaliers qui se creusent et s’amplifient entre les espaces urbains denses et le milieu rural très peu dense, marquant le signe d’une prise en charge trop tardive. » Les habitants du rural très peu dense consomment ainsi 16 % de soins hospitaliers en moins que la moyenne nationale. Ceux du rural isolé consomment 20 % de soins hospitaliers en moins et jusqu’à 30 % de séances en moins pour certains soins comme les dialyses en centre et les chimiothérapies.

Seconde étude publiée cette année, celle de l’association UFC-Que Choisir, qui enquête sur le sujet depuis 10 ans et déplore aujourd’hui l’aggravation criante des inégalités entre territoires. 83 % des Français résident dans un désert médical pour au moins l’une des spécialités analysées. L’UFC-Que Choisir, qui promeut depuis 2012 la mise en place de mesures concrètes visant à résorber la fracture sanitaire, a décidé de muscler son action : elle vient de lancer une pétition « Accès soins – J’accuse l’État » et elle a déposé un recours devant le Conseil d'État pour que la plus haute autorité administrative constate et sanctionne l’inaction du gouvernement, et lui enjoigne de prendre sans délai des mesures contre les déserts médicaux.

Des mesures contre ce fléau ont pourtant déjà été mises en place par le passé, de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009, au Plan territorial d’accès aux soins de 2017, du Pacte Territoires-Santé de 2012 au Plan Ma Santé 2022. On peut aussi saluer l’engagement des collectivités locales et notamment les régions qui, comme en Occitanie, développent des maisons de santé pluridisciplinaires. Mais, à l’évidence, tout ce qui a été fait jusqu’à présent – n’en déplaise au ministre de la Santé Aurélien Rousseau qui se dit «énervé» qu’on l’accuse d’inaction – n’a jamais été au niveau pour résorber cette fracture sanitaire qui fait décrocher la France des autres pays de l’OCDE, avec une densité médicale dans les zones rurales françaises plus faible que la moyenne.

Le nœud du problème est pourtant connu : c’est celui de la liberté d’installation des médecins, que défendent bec et ongles leurs syndicats. La régulation de l’installation a fait l’objet de plusieurs propositions de loi, toujours systématiquement écartées par les gouvernements. Il est peut-être temps de sortir de ce dogme à l’heure où les besoins de soins vont augmenter avec le vieillissement de la population française.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 27 novembre 2023)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...