Une petite inattention qui a de grandes conséquences, une anodine fausse manipulation qui entraîne de graves et parfois inextricables difficultés. Voilà comment l’on pourrait résumer ce que vivent quelque 500 000 à 1,2 million de Français qui, à des degrés divers, sont chaque année victimes d’escroquerie en ligne et d’usurpation d’identité. Cliquer sans se méfier sur le lien dans un courriel que l’on vient de recevoir de sa banque… alors qu’il s’agit d’un message frauduleux parfaitement imité qui conduira à l’installation d’un logiciel espion verrouillant son ordinateur et réclamant une rançon. Répondre à un SMS que l’on croit venir d’un service de livraison et compléter ensuite un formulaire en ligne sans prendre garde, car le numéro du vrai expéditeur a été préalablement piraté. Dans certains cas, il faudra payer pour retrouver, sans garantie aucune, l’accès à ses données. Dans d’autres, on s’apercevra bien trop tard que quelqu’un se fait passer pour soi et a accumulé des contraventions ou souscrit des prêts…
L’usurpation d’identité peut ainsi avoir des conséquences dévastatrices pour les victimes, qui se retrouvent alors noyées dans des problèmes financiers, juridiques et administratifs complexes, qui peuvent mettre des années à être résolus. Leur crédibilité est mise en doute, leur réputation ternie, et elles doivent faire face à un long chemin pour restaurer leur identité.
L’avènement du numérique et la dématérialisation de plus en plus de démarches administratives et commerciales a, d’évidence, facilité l’accès aux informations personnelles, rendant les individus plus vulnérables aux attaques. La multiplication de ces transactions en ligne, l’explosion de l’usage des réseaux sociaux et la création de multiples bases de données centralisées expose nos données personnelles à un risque constant et croissant de piratage. Mais la méconnaissance des procédures de sécurité et le manque de vigilance des citoyens-consommateurs contribuent aussi à faciliter la tâche des pirates et des escrocs.
Pour lutter efficacement contre l’usurpation d’identité, et plus généralement contre les escroqueries en ligne, il est essentiel de renforcer les mesures de prévention et de répression. Les autorités doivent sensibiliser la population aux risques liés à la divulgation d’informations personnelles sur internet ou par téléphone et l'informer des démarches à suivre en cas de suspicion d’usurpation. Il faut éviter de divulguer ses données personnelles, vérifier régulièrement ses relevés bancaires, signaler toute anomalie ou perte de ses documents d’identité et porter plainte en cas de soupçon ou de constatation d’usurpation. Même si, selon une enquête du Crédoc, plus de 9 victimes sur 10 d’escroquerie sur internet n’ont jamais rencontré physiquement l’auteur, et que 20 % ne savent pas dans quel pays il se situe. L’acquisition de cette culture numérique du risque, de ces bons réflexes est déterminante et devrait être acquise dès l’école.
Ensuite, il faut renforcer la collaboration entre les différents acteurs impliqués, banques, administrations et entreprises, et donner suffisamment de moyens aux forces de l’ordre et à la justice pour enquêter et poursuivre les escrocs. Enfin, il faut poursuivre l’amélioration des dispositifs de contrôle et de vérification des identités. L’identité numérique en France ou l’EU Digital ID Wallet qui se finalise au niveau européen sont de bons outils pour créer de la confiance.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 5 novembre 2023)