Les images émouvantes des premières libérations d’otages israéliens détenus depuis le 7 octobre par le Hamas, apportent un immense soulagement pour leurs familles et leurs proches qui attendaient ardemment ce moment, mais aussi pour le monde. Car de nombreux pays ont, à un moment de leur histoire, été suspendus au destin d’un ou plusieurs otages. En France, chacun se rappelle des libérations des journalistes Philippe Rochot, Jean-Louis Normandin, Georges Hansen et Aurel Cornea, de Marcel Carton et Marcel Fontaine, Jean-Paul Kauffmann, Florence Aubenas, Sophie Pétronin ou Olivier Dubois. … L’insoutenable attente, la mobilisation de l’opinion, le retour en France sur le tarmac d’un aéroport et l’accueil par le président de la République ont toujours marqué, à raison, l’opinion.
La libération des otages israéliens est toutefois différente par la barbarie qui en est à l’origine, par les conditions inédites qui la permettent et parce que seule une partie des 240 hommes, femmes et enfants kidnappés par le Hamas le mois dernier – dont huit de nos compatriotes, franco-israéliens – a recouvré hier la liberté. L’angoisse continue ainsi pour les familles de ceux qui restent entre les mains des islamistes, mais l’espoir demeure de les retrouver bientôt libres. Notre compassion et notre solidarité doivent ainsi aller à tous ces otages, dont de si jeunes enfants, certains orphelins et qui ne le savent pas…
Si nous nous focalisons sur leur délivrance, il faut aussi mesurer qu’elle ne se fait qu’en contrepartie de la libération de dizaines de prisonniers palestiniens – près de 6 700 Palestiniens sont emprisonnés par Israël. Cet échange entre otages et prisonniers auquel Benyamin Netanyahou a fini par se résoudre sous l’influence internationale et la pression légitime et grandissante de son opinion publique – qui le tient pour responsable du fiasco du 7 octobre – pourrait se transformer pour lui en un piège sans retour. Car c’est bien le Hamas qui tire bénéfice de cette séquence et donne le tempo : il apparaît comme celui qui a permis la libération, qui a récupéré des prisonniers, qui a obtenu une trêve dans les bombardements de la bande de Gaza. En acceptant cette pause, Benyamin Netanyahou montre aussi qu’un arrêt des combats est possible et donc que la guerre peut ne pas reprendre au terme des quatre jours âprement négociés.
La libération des otages apparaît ainsi comme un tournant, l’élément qui pourrait remettre la diplomatie devant les armes. Ce chemin-là paraît évidemment long, difficile, plein de chausse-trappes et à l'issue incertaine. Et les radicaux des deux camps qui n’ont que la vengeance à la bouche et qui sont opposés à ce qu’on l’emprunte sont bien plus nombreux que les hommes de bonne volonté. Ces derniers, héritiers de Menahem Begin et d’Anouar el-Sadate, d’Yitzhak Rabin et de Yasser Arafat, doivent plus que jamais se mobiliser pour que le cessez-le-feu perdure et que s’ouvre le long chemin vers la paix.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 25 novembre 2023)