Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes.
Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du report de l’âge de départ à 64 ans, ses versets sur la durée de cotisation et la kyrielle des cas particuliers, ses psaumes rajoutés pour satisfaire les Républicains et s’assurer de leur soutien. Et s’il évite soigneusement de parler de « pédagogie » – un mot qu’il déteste – le ministre du Travail répond avec une précision chirurgicale, s’excusant même lorsque la question s’adresse davantage à l’un de ses collègues qu’à lui-même. Soldat, parce qu’Olivier Dussopt s’est mis tout entier au service d’Emmanuel Macron au point que ce dernier, qui porte souvent un jugement sévère sur les membres de son gouvernement, s’est félicité en plein Conseil des ministres : « On a la chance d’avoir un ministre courageux et compétent. »
Peu chaut au discret Olivier Dussopt les railleries sur son filet de voix qu’il préserve en quittant rarement son écharpe, peu lui importent les critiques de ses anciens camarades du Parti socialiste qui voient en lui un Rastignac ardéchois qui a retourné sa veste, un apparatchik passé avec armes et bagages de Benoît Hamon et Martine Aubry à Emmanuel Macron et peut-être demain Edouard Philippe et qui, en 2010, s’était farouchement opposé à la précédente réforme des retraites d’Eric Woerth… L’ambitieux quadragénaire, que les épreuves de la vie ont, d’évidence, blindé face à ces critiques, est tout entier concentré sur sa tache et sur cette réforme qui passe si mal auprès des Français.
Face aux questions de nos lecteurs, il a ainsi déroulé mécaniquement, méthodiquement et parfois avec la froideur des chiffres de comptabilité,ses arguments censés les convaincre du bien-fondé de sa réforme. Mais le ministre a aussi pu mesurer combien ce projet de loi sur les retraites appelait des questions sur ce qui se passe avant, c’est-à-dire le travail et les conditions dans lesquelles on l’exerce. De l’égalité salariale entre les hommes et les femmes à la semaine de quatre jours, de la pénibilité au travail des séniors en passant par l’évolution des carrières des femmes : autant de sujets sur le rapport au travail que le gouvernement va devoir traiter, a reconnu Olivier Dussopt.
Autant de sujets qu’il aurait sans doute fallu aborder avant de présenter une réforme des retraites qui peine à convaincre, aussi compétent soit son principal promoteur.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 10 février 2023)