On ne sait pas pour l’heure ce qu’il adviendra de la réforme des retraites, rejetée massivement par 7 Français sur 10, mais une chose est sûre, ce projet de loi a ouvert un vaste débat sur ce qui aurait dû être, d’évidence, son préalable : le travail. La place qu’on y accorde dans l’organisation de la société et dans notre propre vie, le sens qu’on lui donne et la considération qu’on en espère en retour, les conditions dans lesquelles on l’exerce – avec son degré de pénibilité – et la juste rémunération qu’on attend de lui. Autant de thèmes autour du travail auquel vient de s’ajouter celui de la réduction de sa durée avec le retour du débat sur la semaine de 4 jours.
Passons sur l’annonce d’une expérimentation annoncée par Gabriel Attal et qui ressemblait davantage à un contre-feu aux difficultés du gouvernement face aux angles morts de sa réforme des retraites, sur les femmes notamment, plutôt qu’à un véritable projet. Force est de constater, en revanche, que de nombreux pays européens explorent la façon de mettre en place la semaine de 4 jours qui est parfois devenue une réalité comme en Islande où elle s’est généralisée.
La Belgique, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Japon ou encore la Nouvelle-Zélande ont lancé des tests, que ce soit sous l’impulsion de leurs gouvernements ou de grandes entreprises soucieuses de séduire et conserver leurs employés.
Cette réflexion sur la semaine de quatre jours n’est pas nouvelle et s’inscrit évidemment dans l’histoire de la réduction du temps de travail. Une évolution inéluctable et logique puisque depuis le XIXe siècle, la productivité des travailleurs a considérablement augmenté grâce au progrès technique et aux luttes syndicales. Des 15 à 17 heures par jour, six jours sur sept en 1830 on est passé à pas plus de 8 heures par jour pour les enfants de 8 à 12 ans en 1841, puis à 12 heures quotidiennes en 1848, 11 heures en 1849, 10 en 1900, 8 en 1919.
En 1936, le Front populaire fixe la durée hebdomadaire du travail à 40 heures. En 1982 avec François Mitterrand, la durée légale du travail passe à 39 heures par semaine et en 1998, la gauche plurielle de Lionel Jospin fait adopter la loi Aubry sur les 35 heures qui va installer dans la vie de millions de Français les jours RTT. À l’heure où l’intelligence artificielle promet de simplifier nombre de tâches, la réduction du temps de travail va se poursuivre. En 1930, l’économiste américain John Maynard Keynes n’avait-il pas pronostiqué 3 heures de travail par jour en 2030 ?
Si la semaine de 4 jours ou celle de 32 heures s’installent à ce point dans le débat, c’est aussi parce que le télétravail, de plus en plus pratiqué depuis la pandémie de Covid-19, a fait exploser les habitudes et les organisations dans les entreprises. Sa mise en place, subie puis choisie, a poussé salariés et employeurs à redéfinir ensemble leurs relations sans sacrifier la productivité mais en recherchant le bon équilibre pour tous. La semaine de quatre jours peut-elle être une solution ? Oui si les quatre journées travaillées ne deviennent pas surchargées ou trop longues. Oui à condition aussi que l’État garantisse un traitement équitable pour tous les salariés. La réduction du temps de travail est en tout cas dans le sens de l’histoire.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 13 février 2023)