En prononçant ses vœux aux Français le 31 décembre dernier, Emmanuel Macron avait lâché, en évoquant les mégafeux et canicules de l’été 2022, « qui aurait pu prévoir… », déclenchant immédiatement une tempête d’indignation chez les associations de défense de l’environnement et les scientifiques qui travaillent depuis des années sur le réchauffement climatique et ses conséquences, livrant régulièrement des rapports comme ceux du Giec. Certains en ont profité pour vertement reprocher au chef de l’État, apôtre du « make our plantet great again », un bilan écologique plutôt mitigé pour son premier quinquennat. Mais il est trop facile de jeter la pierre à Emmanuel Macron, qui, en tant que chef d’État doit certes « prévoir », car il est possible qu’il ait voulu dire son inquiétude de voir arriver sur notre sol des catastrophes climatiques que l’on croyait réservées à d’autres, aux pays lointains en Asie ou en Afrique.
Les mégafeux, les journées caniculaires, les sécheresses extrêmes, les sols agricoles qui deviennent comme de la pierre mais aussi les pluies diluviennes cévenoles ou les inondations : autant de fléaux qui, depuis l’été dernier, nous concernent désormais très directement, et bouleversent la vie de nos agriculteurs, de nos industries et du quotidien de chacun d’entre nous. La pénurie d’eau est à cet égard sans doute le plus grand défi qui nous attend.
Ressource vitale mais aussi enjeu de souveraineté géopolitique, la pénurie d’eau affecte quatre personnes sur dix dans le monde selon la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, et pourrait donner lieu à des conflits là où elle se raréfie tant les sécheresses paralysent la production alimentaire, provoquent l’épuisement des pâturages, désorganisent les marchés, et, à l’extrême, causent de nombreuses pertes en vies humaines et animales. Ces pénuries d’eau affectent et fragilisent déjà de nombreux pays, prêts à basculer dans des « guerres de l’eau. »
La question du partage de la ressource en eau entre l’agriculture, les loisirs, la production hydroélectrique et la préservation de la biodiversité est un enjeu crucial qu’il faut résoudre dès à présent en bâtissant un consensus forcément difficile et qui va bouleverser nos modes de vies. Mais il n’y a pas de fatalité et lorsque les bonnes volontés se réunissent, aidées par des technologies pointues de gestion de l’eau, le défi peut être relevé. En mission au Sénégal, Carole Delga, présidente de Région de France a pu voir que quatre pays avaient pu s’entendre pour un partage apaisé de l’eau du fleuve Sénégal.
En France, où les agences de l’eau conduisent déjà un travail remarquable, le gouvernement met la dernière touche à un plan Eau d’une cinquantaine de mesures qui sera présenté dans les prochains jours. La lutte contre les fuites d’eau – un litre sur cinq est perdu ! – en sera un axe fort. Et à l’instar de ce qui a été fait pour l’énergie, il comprendra aussi un volet « sobriété » afin d’encourager les Français à modérer leur consommation d’eau potable. Le prix à payer pour avoir de l’eau pour tous.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 23 février 2023)