L’arrivée tant espérée d’un vaccin contre la Covid-19 se concrétise enfin, moins d’un an après les débuts de la pandémie de Covid-19, un exploit car il faut habituellement plusieurs années pour arriver à de tels résultats. Ces derniers jours, les annonces de laboratoires américains, allemands et russes ont ainsi redonné un peu d’optimisme dans beaucoup de pays confrontés à une sévère deuxième vague. Mais cette bonne nouvelle débouche sur d’immenses défis, sanitaires, politiques et sociétaux.
Défi sanitaire d’abord car il reste encore des étapes avant la mise sur le marché de ces vaccins. Une fois les autorisations obtenues, c’est une logistique complexe qui doit se mettre en place pour produire, conditionner, acheminer des centaines de millions de doses dans le monde. Un calendrier de vaccination doit également être établi pour savoir qui doit être prioritaire : personnes à risques, soignants, salariés de la "première ligne" ? La question des effets secondaires est également sur la table, particulièrement pour les nouveaux vaccins à ARN messager, tout comme la durée de protection qu’offrent ces différents vaccins. La communauté scientifique va donc rester fortement mobilisée dans les mois et années à venir.
Défi politique ensuite. Pour tous les gouvernements qui ont été contraints de prendre des mesures de restrictions très coûteuses économiquement et des confinements totalement inédits en démocratie, l’arrivée des vaccins permet enfin d’envisager le monde d’après et la sortie de crise. À condition de sécuriser les approvisionnements de doses de vaccins – ce sera fait au niveau européen – et d’organiser une vaste campagne de vaccination qui va se heurter au troisième défi.
Le défi sociétal va être, en effet, particulièrement délicat en France tant la méfiance de l’opinion à l’égard des vaccins et la perte de confiance dans l’Etat et les institutions quant à la gestion de l’épidémie est forte. La France, patrie de Pasteur, est devenue aujourd’hui le pays où l’on doute le plus de l’efficacité des vaccins. Portée par des groupes "anti-vax" très actifs sur les réseaux sociaux, relayée par des parlementaires sur fond de théories complotistes, la parole anti-vaccins a gagné l’opinion de façon inquiétante. Face à ce mur de défiance, le gouvernement peut choisir de passer en force et rendre obligatoire la vaccination contre la Covid-19 ou entamer – alors que le temps presse – une course de fond contre les fake news pour répondre en toute transparence aux interrogations légitimes et convaincre du bien-fondé des vaccins, qui – on l’oublie trop souvent – sont venus à bout de tant de pandémies.
(Editorial publié dans La Dépêche du vendredi 20 novembre 2020)