Prendre un expresso au comptoir d’un café de quartier pour bien commencer la journée, se retrouver pour un déjeuner de travail dans une brasserie, célébrer des retrouvailles entre copains dans un bar à vin à l’heure de l’apéritif, dîner en amoureux dans un petit restaurant de charme tout juste ouvert : s’il est bien quelque chose de notre vie sociale que l’épidémie de coronavirus et les confinements censés freiner sa progression, nous a ôté, ce sont bien tous ces petits moments qui rythmaient la vie de millions de Français, toutes générations confondues. Des petits moments auxquels on ne faisait presque plus attention tant ils étaient ancrés banalement dans notre quotidien. Des petits moments qui, aujourd’hui, nous manquent terriblement et qui nous font toucher du doigt, très concrètement, combien ils participent profondément de notre mode de vie, de cet art de vivre à la française, qui combine savamment gastronomie et convivialité. Retrouverons-nous bientôt ces petits moments ? Et surtout retrouverons-nous bientôt ceux qui permettent qu’ils se produisent, c’est-à-dire tous les professionnels de la restauration ?
Malheureusement, beaucoup d’entre eux, déjà durement affectés par la fermeture de leur établissement durant le confinement du printemps, puis handicapés par les horaires du couvre-feu, ne parviendront pas à se relever de ce deuxième confinement. Certains ont déjà anticipé cette échéance, mettant la clé sous la porte après une vie de labeur ou seulement quelques mois d’ouverture de ce qui était leur rêve. La détresse de tous ces professionnels s’est matérialisée il y a quelques jours par une spectaculaire mise en scène place du Capitole à Toulouse.
Certes les aides du gouvernement ont été déclenchées puis élargies, les emprunts garantis par l’Etat, les reports de charges ont bien été actés, mais en dépit de montants conséquents et de dispositifs innovants opérés par l’Etat ou les régions, elles ne pourront compenser la perte des chiffres d’affaires. Les restaurateurs vivent d’autant plus douloureusement la situation de péril de leurs établissements que depuis mars, chacun s’est démultiplié pour mettre en place un contraignant protocole sanitaire, qui a nécessité des investissements à chaque nouveau tour de vis sanitaire. Beaucoup de restaurateurs ont tout fait pour maintenir leur activité avec la livraison de repas, le click & collect, mais malgré le soutien des Français, cela n’a pas compensé les pertes.
Alors quand certains évoquent une fermeture des restaurants jusqu’à mi-janvier, le désarroi laisse place au désespoir et à la colère car les restaurants jouent leur survie. Emmanuel Macron, qui a souvent loué "l’art d’être Français", peut-il ne pas entendre les restaurateurs ? Réponse mardi soir à 20 heures.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 21 novembre 2020)