En jugeant illégale l’interdiction par la France de la commercialisation du cannabidiol (CBD) – soulignant que cette molécule présente dans le chanvre n’a "pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine", qu’elle n’est donc pas un stupéfiant pour résumer – la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) va-t-elle enfin débloquer le débat autour du CBD en particulier et du cannabis en général dans notre pays qui s’entête dans ce qu’il faut bien appeler un déni de réalité ?
Car en l’occurrence, dès qu’on parle de cannabis, tout se mélange et tout se crispe. Pas une année, en effet, où le cannabis ne revienne sur le devant de la scène. Pas un semestre où ne s’affrontent les partisans de la dépénalisation ou ceux de la répression, à l’instar du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, promoteur de l’amende forfaitaire pour les consommateurs de cannabis, entrée en vigueur depuis le 1er septembre dernier sans que son efficacité n’ait depuis été démontrée. Pas une année ou le débat sur la légalisation du cannabis thérapeutique ou récréatif ne réapparaît. Et, depuis 2018, pas un mois sans que le CBD ne s’invite dans des discussions...
À chaque fois, médecins, politiques, magistrats, responsables associatifs se toisent et s’opposent par médias interposés, à coups de tribunes – le célèbre "appel du 18 joint" en 1976 – ou d’arguments de santé publique plus ou moins étayés.
Non seulement la législation française – l’une des plus répressives d’Europe – n’empêche en rien la consommation, ni, en corollaire, le développement de l’économie souterraine du trafic, mais la France semble passer à côté de vrais enjeux comme le cannabis thérapeutique ou récréatif.
Par son arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne inflige donc un camouflet à notre pays qui a, d’évidence, fait montre d’une répression disproportionnée envers les gérants de boutiques et les consommateurs de CBD…
L’attitude de la France a été jusqu’à présent d’autant plus dommageable qu’elle a privé le pays de la possibilité de développer sereinement – et de façon très encadrée – une filière tricolore de production et de vente de CBD dans un contexte mondial en pleine expansion.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 30 novembre 2020)
"Maintenant il faut faire évoluer la législation au plus vite, il est incompréhensible qu’on s’arc-boute encore sur une réglementation qui repose seulement sur cette peur irrationnelle de tout ce qui peut concerner le cannabis", assure le député LREM de la Creuse, Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la mission sur le cannabis à l’Assemblée nationale. Le rapport qu’il va rendre en décembre sur le CBD, devrait faire bouger les lignes.