Fin juillet 2021, la publication d’un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) expliquait que, désormais, deux régions du globe étaient devenues trop chaudes et donc inhabitables pour l’Homme, comme un symbole de l’avancée inexorable du réchauffement climatique de la planète. Jacobabad, au Pakistan, et Ras Al Khaimah, aux Émirats arabes unis, affichaient un indice « wet bulb » (température du thermomètre mouillé) supérieur aux 35° que peut supporter un être humain. En mars dernier, la Nasa extrapolait et établissait que d’autres zones en Asie du Sud, dans le golfe Persique et dans certains États américains seraient, eux aussi, inhabitables d’ici 30 à 50 ans. Nous n’en sommes évidemment pas encore là en Europe mais la vague de chaleur exceptionnelle et précoce qui va frapper la France jusqu’à la fin de semaine avec des températures qui pourraient tutoyer les 40 °C, doit nous servir d’avertissement.
Sur les 41 vagues de chaleur détectées depuis 1947 par Météo France, 9 ont eu lieu avant 1989, contre 32 entre 1989 et 2019 : il y a donc eu trois fois plus de vagues de chaleur ces 30 dernières années que durant les 42 précédentes. Et cela n’est malheureusement pas près de s’arrêter puisque les prévisions des spécialistes assurent que la fréquence de ces vagues de chaleur devrait doubler d’ici à 2050 et qu’elles pourraient être encore plus intenses si les politiques de lutte contre le réchauffement climatique ne sont pas plus ambitieuses.
Car plus la science avance et plus la probabilité est grande que les activités humaines soient bien le principal facteur contribuant à l’augmentation observée de l’intensité et de la fréquence de ces vagues de chaleur dont les conséquences en cascades - sur les rendements agricoles, sur la production d’énergie, sur l’économie, la santé humaine ou les écosystèmes… - seront de plus en plus complexes et difficiles à gérer…
« Nous vivons un avant-goût de notre futur climatique » résume le climatologue français Christophe Cassou, l’un des auteurs du 6e rapport du GIEC, qui appelle les responsables politiques à « sortir du déni » et à « être à la hauteur des enjeux ». Et de souligner que cette vague de chaleur tombant en pleine campagne pour le second tour des élections législatives devrait être l’occasion pour les candidats d’aborder en détail la question climatique et de s’engager à agir.
Hier le gouvernement Borne a rapidement réagi pour permettre aux Français de faire face à la vague de chaleur qui s’installe et promis 500 millions d’euros pour créer des îlots de fraîcheur dans les villes. Actions nécessaires mais insuffisantes. Face au défi climatique, il faudra davantage que des mesurettes de court terme mais bien des choix radicaux pour que la planète reste habitable.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 15 juin 2022)