Accéder au contenu principal

Mauvaises notes

notation

Pas une semaine, pas une journée, pour certains d’entre nous, sans que l’on ne vous demande d’attribuer une note, de rédiger un commentaire sur un produit que l’on vient d’acheter sur un site d’e-commerce ou un service que l’on vient d’utiliser. Les étoiles d’Amazon, de Google ou de Tripavisor – qui a supplanté celles du Guide Michelin –, les notations et commentaires sur des repas livrés par Deliveroo ou Ubereats, des voyages effectués sur telle ou telle compagnie aérienne sont devenus omniprésentes dans nos vies numériques.

Côté face, d’évidents avantages pour les consommateurs. Qui n’a jamais regardé les avis des autres avant d’acheter un produit ou ne s’est jamais détourné si celui-ci totalisait peu d’avis ou pas suffisamment d’étoiles ? Qui n’a jamais choisi un hôtel en fonction des commentaires des clients précédents qui racontent leur expérience, photos à l’appui ? Qui n’a jamais changé de choix de restaurant car celui-ci avait des commentaires négatifs ou préféré un établissement sur le GPS de son smartphone car il avait le plus d’étoiles ? Les étoiles et les commentaires permettent aux consommateurs de mieux choisir ce qu’ils veulent acheter, de faire part de leur satisfaction ou de leur courroux aux commerçants qui, eux, vont forcément chercher à s’améliorer. Étoiles et commentaires seraient la version 2.0 du bouche-à-oreille. Évidemment, ce monde numérique idyllique ne l’est pas tout à fait…

Car il y a un côté pile, plus sombre et inquiétant. D’abord, les faux avis pullulent, qu’ils soient rédigés par des commerces concurrents ou de faux clients qui cherchent à ruiner l’e-réputation de tel ou tel site. Ces faux avis sont même devenus un véritable business. À côté il y a le poids des grandes plateformes numériques qui dictent leurs règles : une entreprise qui ne remplit pas sa fiche descriptive ou qui ne répond pas rapidement aux commentaires des internautes voit l’affichage de son commerce dans les résultats de recherche dégradé, sa visibilité – et donc son chiffre d’affaires – amoindrie.

Plus sournoisement, les notes que les consommateurs attribuent innocemment et nonchalamment depuis leur smartphone à un livreur de repas, au salarié d’une entreprise peuvent avoir des conséquences sur les conditions de travail et même la carrière de ces derniers dans leur entreprise. Car donner 4 étoiles sur 5 peut signifier un travail mal effectué.

Enfin dans le côté sombre de cette guerre des étoiles se trouve aussi le consommateur lui-même. En notant frénétiquement ou en répondant à toutes les sollicitations de commentaires, le consommateur fournit lui-même les données le concernant qui permettront aux algorithmes des plateformes d’affiner son profil et donc de lui adresser de la publicité de plus en plus personnalisée.

Pour tirer le meilleur et éviter le pire de ce système de notes et commentaires, les consommateurs comme les travailleurs ont besoin d’un cadre transparent, clair et protecteur. Il est heureux de voir que l’Europe a su bâtir des règles de régulation qui offrent des garanties sérieuses tant pour ceux qui sont notés que pour ceux qui notent. C’est le meilleur moyen d’éviter les abus et les dérives à la chinoise avec lesquelles c’est le citoyen qui se retrouverait noté.

(Editorial publié dans La Dépêche du samedi 18 juin 2022)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...