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Dilemme

 

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Comment appréhender cette « épidémie » de piqûres qui, depuis plusieurs semaines maintenant, ont été relevées dans des boîtes de nuit, des bars, des festivals, des spectacles ou des concerts un peu partout en France ? Les services de police et de gendarmerie, les médias, les organisateurs des événements, les parents et les jeunes qui en seraient les principales victimes sont confrontés à un vrai dilemme : faut-il en parler largement au risque d’entretenir le phénomène, ou bien arrêter de donner trop d’importance à ce que certains considèrent comme une énième rumeur ? Vaste question dont on ne devrait pas avoir la réponse de sitôt.

D’un côté, il y a une réalité : la mobilisation de nombreux enquêteurs dans le pays. Les forces de l’ordre ont ainsi recensé quelque 460 victimes et enregistré entre 380 et 450 plaintes. Toutes les victimes ne sont pas des affabulatrices, certaines témoignent sincèrement de ce qu’elles disent avoir vécu et certaines présentent effectivement des traces potentielles de piqûres, attestées parfois par des médecins. Pour l’heure, ces affaires, dont les récits sont très divers – tantôt très précis, tantôt aussi flous que des soirées bien arrosées – restent traitées au niveau local par des enquêteurs dont certains ne cachent pas leur agacement. Car, en l’état, aucune analyse toxicologique réalisée sur certaines des victimes n’a mis en lumière une quelconque intoxication avec une substance nocive, notamment le GHB, la « drogue du violeur », qui est souvent cité. Sauf à Roanne et dans les Pyrénénées-Orientales où des traces de GHB ont été découvertes, mais sans qu’un lien ne puisse être établi, il n’y a, à l’heure actuelle, aucune personne dont on peut dire qu’elle a été intoxiquée via une aiguille. Reste que les enquêtes se poursuivent sérieusement et ont conduit à l’arrestation de plusieurs suspects dont le dernier, à Toulon, a été accusé d’avoir piqué des spectateurs lors de l’enregistrement de l’émission de TF1 « La chanson de l’année. » Le 5 juin, cet individu a été mis en examen dans le cadre d’une information judiciaire, ouverte notamment pour « violences aggravées par arme et par préméditation », qui devra déterminer le mobile de ses actes.

D’un autre côté, ces événements ont déclenché une psychose et beaucoup de fantasmes qui, cette fois, agacent au plus haut point les organisateurs d’événements. Après deux années de Covid, ils espéraient bien retrouver un été normal et se seraient bien passés de ce phénomène des piqûres. Car au-delà des cas sur lesquels enquêtent les forces de l’ordre, les piqûres sont devenues un phénomène de société sur lequel se pencheront peut-être un jour des sociologues, comme Edgar Morin s’était penché sur la rumeur d’Orléans… Un phénomène alimenté par le carburant des réseaux sociaux entre des appels imbéciles à « piquer des filles » lors de soirées et les « témoignages » d’amis d’amis qui ont cru voir ceci ou cela.

À l’anxiété générée par le Covid-19, qui a impacté durement la santé mentale de la population et plus particulièrement celle des jeunes, ne cédons pas à des peurs irrationnelles qui nous empêcheraient de pleinement se retrouver.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 11 juin 2022)


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