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Et si c'était une chance ?

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De la situation politique totalement inédite sous la Ve République découlant du second tour des élections législatives, tout a (presque) été dit depuis dimanche. La tripartition de la vie politique française, constatée au premier tour de l’élection présidentielle, entre un bloc d’extrême droite, un bloc de centre-droit et un bloc de gauche, s’est retrouvée transposée à l’Assemblée nationale, en dépit du mode de scrutin censé empêcher une telle configuration de majorité très relative pour un président réélu huit semaines auparavant. C’est comme si les Français étaient parvenus à introduire la proportionnelle, serpent de mer de tous les gouvernements depuis sa dernière application entre 1986 et 1988.

Alors que le président de la République est parti en quête d’alliés pour obtenir la majorité qui lui fait défaut pour entamer son second quinquennat, d’aucuns dans sa majorité s’alarment des « blocages », de la « paralysie », du « chaos » qu’ambitionneraient de provoquer, selon eux, des oppositions plus radicales et plus nombreuses – et donc moins dociles et moins insignifiantes que par le passé. Certains évoquent, pour sortir de l’ornière, l’utilisation de l’article 49-3 pour passer des textes en force comme le fit jadis Michel Rocard, lui aussi confronté à une majorité relative. D’autres imaginent déjà le scénario d’une dissolution prochaine, oubliant combien elle peut être une arme à double tranchant, les Chiraquiens en savent quelque chose…

Et pourtant… Et si cette nouvelle Assemblée était une chance ? Pour la première fois depuis longtemps, en dépit d’une abstention aussi écrasante qu’inquiétante, la « représentation nationale » reproduit bien mieux le paysage politique réel du pays que dans le précédent quinquennat. On peut évidemment déplorer que le Rassemblement national, dont l’histoire politique s’est construite contre la République, ait obtenu 89 députés, mais cela correspond à ses scores politiques importants obtenus aux Européennes ou à la présidentielle. Cette Assemblée reflète donc mieux la réalité politique et va donc pouvoir accueillir des débats et controverses qui, tels ceux portés par les Gilets jaunes, se tenaient hors de l’hémicycle. Le Palais Bourbon redevient ainsi le cœur battant de notre démocratie. Qui s’en plaindra ?

Ensuite, dans cette chambre à la majorité introuvable, où personne n’a intérêt à créer des blocages institutionnels, les députés vont devoir sortir des postures et des anathèmes et apprendre ou retrouver le sens du compromis, celui-là même qui prévaut dans la majorité des parlements européens – dans 21 pays sur 27, aucun parti n’a la majorité absolue... Bâtir la loi dans notre nouvelle Assemblée ne sera pas impossible, mais sera plus complexe, sans doute plus lent pour examiner les amendements et parvenir à concilier les positions. Mais était-ce mieux auparavant dans une Assemblée dépeinte en simple chambre d’enregistrement : depuis des années, on observe une inflation du nombre de lois, des lois qui, selon les experts, sont d’ailleurs de moins en moins bien rédigées. En finir avec la quantité pour privilégier la qualité des lois. Enfin cette Assemblée qui retrouve un rôle plus central dans la vie politique empêchera-t-elle le gouvernement de gouverner ? Non car ce dernier a d’autres outils pour cela, décrets, règlements, etc.

Au final, ces élections législatives actent une nouvelle révolution institutionnelle, comme le fut la première cohabitation, il y a 36 ans, qui montra combien la Ve République peut être aussi robuste qu’adaptable pour peu que ses acteurs en comprennent les enjeux.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 22 juin 2022)

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