La réaction d’Emmanuel Macron sur le résultat des élections législatives de dimanche, qui lui ont infligé un sérieux revers en ne lui donnant qu’une majorité relative étriquée, était très attendue. Le chef de l’État, rétif à se faire dicter son agenda, a pris le temps de recevoir à l’Elysée mardi et hier les principaux chefs de partis présents à l’Assemblée pour esquisser la suite compliquée de ce quinquennat naissant. Chacun de ses interlocuteurs est ressorti de ces entretiens sans savoir précisément ce que le chef de l’État avait en tête, ni s’il allait enfin abandonner son exercice jupitérien et solitaire du pouvoir, ni quelle option il entendait privilégier pour gouverner le pays. Les uns évoquaient un gouvernement de coalition, d’autres des accords ponctuels selon les textes de loi, d’autres encore un bien hypothétique gouvernement d’union nationale. Au final, chacun se demandait si le Président avait bien entendu le message que les Français lui avaient adressé dans les urnes dimanche.
La réponse à cette question est venue hier avec une allocution solennelle à 20 heures. Emmanuel Macron a, d’évidence, bien écouté… mais n’a pas entendu.
Certes le Président a regretté la forte abstention, certes il a admis que les Français ne lui avaient pas accordé la majorité absolue, le plaçant dans une situation analogue à celle que vivent nombre de nos voisins, certes il a reconnu que les législatives montraient « les fractures, les divisions profondes qui traversent notre pays et se reflètent dans la composition de la nouvelle Assemblée », que « nous devons apprendre à gouverner et légiférer autrement » et qu’il était possible « de trouver une majorité plus large et plus claire pour agir ».
Mais à la réalité politique née dimanche, Emmanuel Macron a opposé celle issue de l’élection présidentielle qui, à ses yeux, la préempterait ou serait son égale. Selon lui, le 24 avril, il a été réélu sur « un projet clair » qu’il entend bien mettre en œuvre et non pas grâce à un front républicain - grandement nourri par les électeurs de gauche - qui ne signifiait pas approbation de son programme mais bien barrage à la candidate du Rassemblement national.
Pour Emmanuel Macron, peu importe la composition de l’Assemblée nationale, c’est maintenant aux groupes parlementaires de lui dire « en toute transparence jusqu’où ils sont prêts à aller » pour l’accompagner dans la réalisation de son programme. « Entrer dans une coalition de gouvernement et d’action ? S’engager à voter simplement certains textes ? Notre budget ? Lesquels ? » : voilà les devoirs des groupes d’oppositions qui doivent rendre leur copie au Président dès qu’il sera revenu de sa longue séquence de déplacements diplomatiques à l’étranger.
Pas un mot sur Elisabeth Borne, qui en tant que première ministre et cheffe de la majorité, devrait logiquement se présenter devant l’Assemblée et demander la confiance des députés. Emmanuel Macron inverse le processus, met ses oppositions au pied du mur et leur lance un ultimatum, espérant peut-être leur imputer tout futur blocage. Pour « bâtir des compromis », on a connu meilleure méthode…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 23 juin 2022)