Quand la drogue s’approche de l’école, l’urgence doit être au sursaut, à la mobilisation de tous les acteurs, de la communauté éducative comme de celle qui œuvre pour la sécurité des Français. Que ce soit à l’intérieur même de l’école où elle fait des ravages chez les jeunes comme à l’extérieur où se développent des trafics de stupéfiants, la drogue ne devrait pas avoir droit de cité près des établissements scolaires. Hélas, ce n’est pas le cas et la porosité entre un lieu qui devrait être sinon sacré du moins sanctuarisé comme il se doit et le monde extérieur est inquiétant.
Le dernier exemple en date qui illustre cette dangereuse dérive est survenu en Occitanie, à Nîmes, et aurait dû appeler à une vraie prise de conscience. Dans la préfecture du Gard, une école primaire – l’école Georges-Bruguier, où "Envoyé spécial" a récemment posé ses caméras pour une enquête diffusée sur France 2 – vit au rythme d’une violence continue, encerclée par un trafic de drogue. En deux ans, l’alarme intrusion a été déclenchée plusieurs fois en raison de guetteurs qui traversent la cour et cette violence imprègne désormais les récits des jeunes élèves, témoins de ce trafic et des courses-poursuites qui se déroulent entre dealers et forces de l’ordre. Une telle situation se retrouve hélas dans d’autres métropoles comme Toulouse dans le quartier de la Reynerie ou celui des Izards. À Rennes ou Montpellier on constate aussi que les écoles servent de planques aux trafiquants.
Mais la drogue – et le trafic qui en organise la distribution – ne fait pas seulement que graviter autour des écoles ; elle s’immisce aussi auprès des élèves. Les règlements intérieurs des établissements scolaires peuvent bien rappeler l’interdiction par la loi de l’usage et de la possession de stupéfiants, les jeunes y sont exposés de plus en plus. "Les adolescents français se distinguent de leurs homologues européens par une expérimentation de boissons alcoolisées et de cannabis précoce, bien qu’en net recul [et] par des niveaux de consommation de cannabis qui restent parmi les plus élevés d’Europe en dépit d’une baisse conséquente ces dernières années" relevait en février dernier l’enquête "20 ans d’évolutions des usages de drogues en Europe à l’adolescence", réalisée par l’Observatoire français des drogues et toxicomanie (OFDT). À ce constat sur le cannabis, on peut rajouter le poids des drogues de synthèse, celui du protoxyde d’azote contenu dans les siphons à chantilly ou encore d’autres drogues nouvelles comme le snus venu de Suède – des sachets de tabac humide à glisser entre lèvre et gencive et qui créent une rapide addiction.
"Le secteur de l’éducation a pour responsabilité fondamentale de protéger les enfants et les jeunes de la consommation de substances psychoactives. Il doit pour cela prendre une série de mesures dans une approche globale afin de mobiliser l’ensemble du système, en collaboration avec d’autres secteurs, en particulier le secteur de la santé et les autorités de lutte contre la toxicomanie", notait déjà l’Unesco dans un rapport en 2018. Lutter contre cette situation, trafic à l’extérieur, addictions à l’intérieur de l’école suppose évidemment plus de moyens, plus de coordination, et une analyse plus globale, dépassant le seul cadre sécuritaire. Pour l’heure, cette réponse – éminemment politique – n’y est pas.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 14 juin 2021)