Accéder au contenu principal

Surenchère

 

police

Un homme dans le Gard qui tue son patron avec lequel il a eu un différend et s’enfuie surarmé dans les Cévennes en mode Rambo ; un autre, ancien militaire sous bracelet électronique, auteur de violence conjugale et de tirs contre les forces de l’ordre qui fait de même en Dordogne ; un quadragénaire abattu en pleine rue d’un coup de fusil de chasse dans le paisible village de Saint-Michel en Comminges ; et encore hier un forcené poursuivi en Ardèche après qu’il a abattu son père… Si l’on ajoute à cela la série de règlements de comptes ou d’expéditions punitives à Avignon, Savigny-le-Temple, Lille au cours desquelles des délinquants ont été criblés de balles cette semaine, on obtient une accumulation de faits divers qui ne peut qu’inquiéter et interroger.

Y a-t-il réellement une hausse de ces homicides et violences physiques par rapport aux années, aux décennies précédentes ou ces violences sont-elles mieux répertoriées, mieux enregistrées, et davantage médiatisées qu’avant avec le poids des réseaux sociaux et l’effet de loupe des chaînes d’information en continu ? Y a-t-il – notamment dans les cas des forcenés qui ont marqué l’actualité de ces derniers jours – des éléments expliquant le passage à l’acte, le "pétage de plombs" ? L’impact des mesures sanitaires prises depuis un an pour lutter contre l’épidémie de Covid sur le psychisme de certains a-t-il joué un rôle ? Surtout quelles réponses apporter à tous ces faits, dont les auteurs et les circonstances sont très différents et recouvrent des réalités de terrain très variées ? Et quels moyens doter les forces de l’ordre, la justice mais aussi la médecine psychiatrique pour contrecarrer ces crimes et délits ?

Autant de questions qui mériteraient, d’évidence, un examen minutieux, rigoureux, sans angélisme, quasi-scientifique à partir d’outils statistiques pointus, comme l’indicateur "homicidité" imaginé par le criminologue Alain Bauer pour mieux caractériser la diversité des homicides. Mais ce débat-là, sérieux et serein, paraît aujourd’hui impossible tant la délinquance et l’insécurité emportent un aspect subjectif, émotionnel, humain, et évidemment politique. À un an de l’élection présidentielle, l’insécurité, on le sait, constitue le fonds de commerce électoral de certains, engagés dans une course à la surenchère, les uns parlant d’ensauvagement de la société, d’autres d’un été ou d’un hiver Orange mécanique en référence au film de Stanley Kubrick où une bande de jeunes sombre dans l’ultraviolence gratuite. On a même vu dimanche le n° 2 du parti Les Républicains proposer le rétablissement d’une Cour de sûreté sans appel pour les terroristes, davantage digne d’un pays totalitaire que d’une démocratie respectueuse de l’Etat de droit…

Face à la multiplication des faits divers dans une société où le clash des mots débouche sur la violence physique, la peine des familles des victimes, la mobilisation des forces de l’ordre, la charge croissante des magistrats méritent mieux que des surenchères politiques démagogiques pour répondre aux attentes des Français qui ont placé l’insécurité en tête de leurs préoccupations.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 3 juin 2021)

Posts les plus consultés de ce blog

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...