C’est sans doute l’une des maladies qui effraient le plus tant elle touche au plus intime, à ce qui, finalement, constitue un être humain. La maladie d’Alzheimer, cette maladie neurodégénérative dont l’une des conséquences est la perte de la mémoire, des connaissances, ce qui caractérise et rend unique chaque individu, est redoutée par chacun d’entre nous. Les souvenirs finissent par s’étioler, la réalité se trouble à en devenir confuse, on reconnaît plus difficilement puis plus du tout les plus proches membres de sa famille, épouse ou mari, enfants, amis ou personnels soignants. Et la plongée dans cet abîme, dans cet inconnu, presque cette réalité parallèle que subit le malade concerne aussi ses proches, ses aidants dont certains lui consacrent une large partie de leur temps.
Face à cette maladie encore mystérieuse, deux événements viennent redonner l’espoir. D’abord, l’autorisation donnée par l’Agence américaine des médicaments (FDA) au laboratoire pharmaceutique Biogen pour commercialiser son médicament, l’Aduhelm. Certes, il ne s’agit pas d’un médicament miracle, son administration relève d’un protocole très contraignant et ne concernera que certains malades, dans des stades précoces de la maladie. Mais ce médicament, le premier autorisé depuis dix-sept ans, suscite l’espoir car il pourrait ouvrir la voie à d’autres traitements.
Le second événement qui a sensibilisé le grand public à la maladie d’Alzheimer est le récent film multi-oscarisé de Florian Zeller, "The Father" (le père), adaptation de la pièce de théâtre éponyme. Anthony Hopkins y campe un octogénaire atteint de la maladie d’Alzheimer qui voit son monde se déliter jour après jour dans le huis clos de son appartement londonien. Si le film a un tel impact, c’est que, pour la première fois, on voit ce monde par les yeux du malade ; on perçoit ainsi comme jamais auparavant comment s’instille la confusion, comment se défait la mémoire ou au contraire comment remontent à la surface des souvenirs d’enfance, comment la concentration de plus en plus difficile se focalise de manière obsessionnelle sur un objet, une montre, et, surtout, comment les visages des proches se brouillent, finissant par devenir interchangeables et brumeux… Ce film saisissant permet de comprendre à la fois la dureté de la maladie mais aussi le bouleversement, le choc qu’elle produit chez les aidants. Des aidants qui ont été particulièrement touchés par l’épidémie de Covid-19, confrontés des mois durant aux difficultés face aux structures fermées et à la solitude.
Un médicament qui pourrait améliorer la vie des malades, un film qui éclaire la société sur les réalités de la maladie : deux raisons qui rallument l’espoir.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 10 juin 2021)