C’est l’une des affaires criminelles les plus emblématiques de ces dernières années, de celles qui passionnent les foules tant les rebondissements y sont nombreux, les doutes immenses et le mystère profond. L’affaire Omar Raddad, du nom de ce jardinier marocain condamné pour le meurtre de sa riche patronne Ghislaine Marchal en 1991 à Mougins avant d’être gracié par Jacques Chirac en 1996, y ajoute un élément supplémentaire qui fait qu’elle a dépassé le seul cadre judiciaire : l’inscription "Omar m’a tuer" peinte sur une porte en lettres de sang, avec une faute d’orthographe. L’expression a depuis été maintes fois détournée, réutilisée tel un mème sur internet qui serait sans cesse repris au point d’en oublier l’origine et les malheurs qui l’accompagnent.
Depuis trente ans, entre rumeurs et contre-enquêtes, toute l’affaire Omar Raddad – qui a très tôt pris des dimensions politiques, diplomatiques et sociétales – tourne autour de cette inscription sur laquelle se sont penchés d’innombrables experts, graphologue et scientifiques pour savoir si c’est bien Ghislaine Marchal qui a écrit les lettres dans les derniers instants de sa vie – thèse validée par la cour d’assises qui condamna Omar Raddad à 18 ans de réclusion criminelle en 1994 – ou si elle a été tracée par quelqu’un d’autre.
C’est cette théorie d’un tiers, pour l’heure inconnu, qui pourrait relancer l’affaire. Ce lundi, en effet, Le Monde a dévoilé les conclusions d’un rapport d’expert rendu en 2019 sur des prélèvements ADN réalisés en 2015. Ce rapport conclut à la présence d’une trentaine de traces d’un ADN complet masculin n’appartenant pas au jardinier et trouvées dans l’une des deux inscriptions "Omar m’a tuer".
Pour la famille d’Omar Raddad, et notamment son fils, Karim, qui consacre sa vie à innocenter son père, ces éléments sont suffisants pour servir de base à une nouvelle requête en révision du procès de 1994. Car si Omar Raddad a été gracié et est aujourd’hui un homme libre, il reste condamné aux yeux de la justice pour le crime de Ghislaine Marchal.
A l’espoir de la famille Raddad répond l’angoisse de celle de la victime, persuadée que c’est bien le jardinier qui a tué la riche héritière, intentionnellement ou par accident. La demande de révision déposée aujourd’hui ravive ainsi les souffrances des deux bords, qui attendent désormais que la justice, dont la lenteur reste pour tous insupportable, se prononce et revienne ou non sur la condamnation de 1994. "Le jugement, c’est le relatif. La justice, c’est l’absolu" disait Victor Hugo. Aujourd’hui, au nom de cet absolu, il en va de l’honneur d’un homme et de la mémoire d’une victime.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 24 juin 2021)