Une mesure écologique forte et ambitieuse pour réduire la pollution et lutter in fine contre le réchauffement climatique et ses conséquences notamment sur la santé ; un projet connu de longue date mais dont une majorité de Français en ignore l’existence ; de nouvelles contraintes qui pèsent davantage sur les plus modestes et les plus ruraux ; et au final l’incompréhension qui se transforme vite en colère… Cela ne vous rappelle rien ? La grogne qui monte actuellement contre les Zones à faibles émissions (ZFE) évoque bien sûr celle qui avait eu lieu fin 2018 contre la taxe carbone et qui constitua l’étincelle donnant naissance au mouvement des Gilets jaunes…
Comme pour la taxe carbone, l’extension des ZFE est parfaitement justifiée car elle veut lutter contre un véritable fléau : la pollution de l’air aux particules fines qui, selon la dernière étude de Santé publique France, est responsable de quelque 40 000 décès prématurés en France par an et d’une baisse de l’espérance de vie pour les personnes exposées. Le trafic routier étant responsable de 57 % des émissions d’oxydes d’azote et d’une large part des particules fines, prendre des mesures pour le limiter en ciblant les véhicules les plus polluants paraît donc non seulement logique mais parfaitement légitime compte tenu de cet enjeu de santé publique. Instaurer des ZFE, des territoires dans lesquels les véhicules les plus polluants sont exclus semble d’autant plus une bonne solution qu’elle a déjà fait ses preuves en Europe, où il existe environ 200 zones de ce type.
Reste que, comme la taxe carbone, l’instauration des ZFE, imparable sur le papier, se heurte à la réalité du terrain en impactant fortement la vie quotidienne de millions de Français propriétaires de véhicules anciens et/ou trop polluants. Des Français qui, faute de disposer d’une offre de transports en commun suffisante et attractive, ne peuvent pas se passer de leur voiture pour se déplacer et craignent dès lors de se retrouver exclus des centres-villes.
Pour l’exécutif, le sujet – qui donne aussi des armes à l’opposition – est évidemment explosif, à dix mois de l’élection présidentielle. À l’heure où Emmanuel Macron vient d’entamer son tour de France des territoires pour les assurer de sa considération, le risque d’une nouvelle fronde de la ruralité serait ravageur. Même si toute une série d’aides a été mise en place pour permettre de changer de véhicules, même si les ZFE ont été appuyées par la Convention citoyenne pour le Climat – celle-là même qui a été installée en réponse à la crise des Gilets jaunes – il y a dans cet épineux dossier une dimension symbolique quant à l’égalité citoyenne qui ne saurait être ignorée et laissée sans réponse.
(Editorial publié dans La Dépêche du mercredi 16 juin 2021)