Accéder au contenu principal

Le chemin de la (Re)conquête

 

macron

Le passage au quinquennat du mandat présidentiel et l’accélération du temps médiatique sous la pression des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu ont considérablement resserré le temps politique. À telle enseigne que l’élection présidentielle – la seule avec les municipales à mobiliser encore un électorat toujours plus abstentionniste – est devenue quasiment l’unique point d’ancrage de la vie politique française et l’obsession permanente de tous les états-majors. Les élections régionales, dont la campagne officielle a démarré hier, en font d’ailleurs les frais, bousculées par les sujets régaliens, les stratégies et les polémiques nationales qui ne concernent pas les compétences des régions mais dessinent bien déjà ce qui alimentera la campagne présidentielle de 2022. Un an avant l’échéance, toute la classe politique – certains en meilleure forme que d’autres, les traces du big-bang de 2017 n’ayant pas été réparées – est, en effet, dans les starting-blocks pour la présidentielle. Et Emmanuel Macron en tête.

En déplacement aujourd’hui et demain dans le Lot, ce département à ses yeux symbole d’une ruralité heureuse, le Président ne va pas seulement lancer son tour de France pour prendre le pouls du pays à l’heure du déconfinement, il va, d’évidence, lancer le prologue de sa campagne électorale pour un second mandat. Après la grande marche qu’il avait organisée en 2016 pour dresser le diagnostic du pays et se lancer à l’assaut de l’Elysée ; après le grand débat national qu’il avait imaginé pour répondre à la crise des Gilets jaunes en 2018, après aussi le grand débat sur la réforme des retraites qui a été stoppé net par la crise sanitaire, Emmanuel Macron renoue avec un exercice de terrain qu’il affectionne ; un exercice qui va aussi lui permettre d’enjamber des élections régionales qui s’annoncent mauvaises pour sa majorité.

Le président de la République, qui n’a pas renoncé par ailleurs à poursuivre son entreprise de déstabilisation de ses adversaires – hier la gauche, aujourd’hui la droite avec un sens aigu de la triangulation – entend aussi capitaliser sur la sortie de la crise sanitaire au contact des Français. Le choix du quoi qu’il en coûte depuis mars 2020, le pari d’un déconfinement précoce, la montée en puissance de la campagne vaccinale, le calendrier réussi jusqu’à présent de la réouverture des commerces et lieux de culture permettent à Emmanuel Macron de consolider un socle de popularité qui, à 40 % d’opinions favorables, est inédit à cet instant du quinquennat.

Inédit mais fragile car le pays reste fracturé, "archipellisé" pour reprendre l’analyse de Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop. Emmanuel Macron l’a bien compris, qui segmente sa communication tous azimuts en fonction des publics, entre le concours d’anecdotes avec des Youtubeurs – les 18-35 ans constituant un enjeu clé de 2022 – un entretien fleuve au magazine Zadig, et désormais les rencontres de son tour de France. Reste pour le chef de l’Etat à esquisser un projet fédérateur, à trouver les mots – en évitant ses petites phrases – pour parler à une hypothétique "France unie" qui est si loin de l’être. Il reste 10 mois pour trouver le chemin de la reconquête des Français.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 2 juin 2021)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...