Ce n’est pas la première fois que l’on parle des "déserts médicaux". Ces dernières années, ces territoires où les patients doivent parcourir plus d’une dizaine de kilomètres avant de trouver un médecin généraliste, ou souffrir de délais indécents pour obtenir un rendez-vous médical chez un spécialiste, ont souvent fait la une de l’actualité. Dénoncés par les élus locaux et les populations promptes à se mobiliser pour défendre ici un hôpital de proximité ou une maternité, là se mettre en quatre pour attirer un jeune médecin, les déserts médicaux agacent tout autant le corps médical qui déteste cette appellation, lui préférant l’expression d’"inégalités territoriales" en santé, certes plus juste mais qui reflète moins les difficultés des zones rurales.
Ces dernières, en effet, se sentent oubliées et injustement traitées comme le montre la dernière enquête sur le sujet de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), qui alerte tant sur d’importantes disparités géographiques que sur le manque criant de médecins dans certaines zones où vivent des populations isolées et de plus en plus âgées.
Le constat n’est pourtant pas nouveau et les gouvernements ont tous tenté d’y remédier en adoptant plusieurs lois ces quinze dernières années : de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009, au Plan territorial d’accès aux soins de 2017 qui s’insère dans le Plan Ma Santé 2022, en passant par le Pacte Territoires-Santé de 2012… Des plans qui n’ont, d’évidence pas atteint leur objectif. "La fracture sanitaire continue de s’accroître entre les territoires. Les déserts médicaux concernent aujourd’hui une commune sur trois" s’alarme un rapport sénatorial publié fin janvier, qui souligne que "la situation française apparaît plus dégradée que dans d’autres pays de l’OCDE, avec une densité médicale dans les zones rurales françaises plus faible que la moyenne". "Les tentatives d’ajustement de la répartition des professionnels de santé, en particulier des médecins, se heurtent à de fortes oppositions et le principe de liberté d’installation est insuffisamment mis en regard du principe d’égal accès aux soins et de la notion d’intérêt général", tacle le Sénat.
Le Ségur de la Santé l’été dernier a promis de donner les commandes aux territoires pour apprécier au plus près du terrain leurs besoins en santé et préparer les décisions d’investissement. Reste à espérer que dans un secteur de la santé très centralisé et bousculé par l’épidémie de Covid, il ne s’agisse pas là d’un énième vœu pieux, car on ne peut plus attendre…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 22 février 2021)