Photo DDM - Adrien Nowak |
Des propriétaires privés qui voient du jour au lendemain leur appartement ou leur maison occupés par des squatteurs et qui ne parviennent à récupérer l’usage de leurs biens qu’au prix de longues, coûteuses et incertaines procédures judiciaires : ce type de mésaventure n’est ni récent ni nouveau. Dernière en date, l’affaire de la maison squattée de Toulouse, révélée ce week-end par La Dépêche du Midi. La détresse de son propriétaire âgé de 88 ans a suscité une immense émotion allant bien au-delà de la Ville rose.
Comment se peut-il qu’au soir d’une vie de travail, des Français âgés se retrouvent ainsi du jour au lendemain dépossédés de leur logement ? Et comment admettre qu’il faille parfois des mois pour qu’ils retrouvent leur propriété, qui est souvent bien plus qu’un simple bâtiment mais l’accomplissement et le patrimoine familial de toute une vie ?
Face à ces situations dramatiques, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) avait été modifiée l’an passé pour justement éviter ces situations ubuesques. Une circulaire ministérielle en a même précisé les modalités fin janvier.
Mais sur le terrain, ces mesures sont aujourd’hui mises à l’épreuve, écartelées entre deux principes fondamentaux de notre droit : le droit de propriété et le droit à un logement. Pour faire respecter le deuxième, faut-il bafouer le premier ?
Pour certains militants d’associations qui luttent contre le mal-logement, la situation de crise du logement en France est telle qu’elle justifierait ces moyens. Il est vrai que le 26e rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, publié au début du mois, a listé plus de 300 000 personnes sans-domicile, à la rue ou dans des hébergements d’urgence plus que jamais inadaptés. Une situation d’autant plus aggravée par l’épidémie de Covid : 14 % des Français ont eu des difficultés liées au logement depuis mars 2020… Il est vrai aussi que l’association Droit au logement – qui craint un "tsunami social" avec une hausse des expulsions à la fin de la trêve le 1er juin – dénonce depuis des années une hausse de la paupérisation des locataires inversement proportionnelle à la hausse des loyers, une baisse répétée des APL et une production de logements sociaux bien trop insuffisante.
Mais il est vrai aussi que si cette réalité appelle la mobilisation de tous – gouvernement en tête –, elle ne peut se faire qu’à la condition de ne pas se tromper de cible. La colère légitime et la détresse réelle des mal-logés ne trouveront pas de solution en s’en prenant à de petits propriétaires…
(Editorial publia dans La Dépêche du Midi du mercredi 10 février 2021)