Accéder au contenu principal

La valeur du bac

bac


C’est une petite musique qu’on commence à entendre et qui serait la reprise d’une autre jouée en 1968. Comme après le mois de mai de cette année-là, certains estiment que le bac 2020 serait un bac au rabais, un "bac donné" puisque le gouvernement a décidé, en raison de la crise sanitaire du coronavirus, d’annuler les épreuves écrites de l’emblématique examen centenaire pour les remplacer par le seul contrôle continu sur deux trimestres.

Il y a plus de cinquante ans, le bac 68 avait été passé en une journée, entièrement à l’oral. Depuis, l’idée simpliste du "bac donné" est restée des années dans l’inconscient collectif, au moins jusqu’à ce qu’en 2005, deux économistes, Eric Maurin et Sandra McNally, décident d’enquêter sur les bacheliers de cette année-là. Dans "Vive la Révolution ! Les bénéfices de long terme de Mai 68" (Ed. La République des idées), le duo s’est attelé à suivre le parcours des bacheliers de 1968 et en a conclu que "lorsque l’on suit ces "élus" dans le temps, on s’aperçoit que cette opportunité (de faire des études supérieures) s’est traduite, des années plus tard, par un surcroît de salaires et de réussite professionnelle par rapport aux étudiants qui, nés un an plus tôt ou plus tard, n’avaient pas eu la chance de se trouver au bon endroit du système éducatif au bon moment de son histoire". Autrement dit cet "accident" dans l’organisation du bac n’a en rien gêné l’avenir des bacheliers de 68. Voilà de quoi rassurer les lycéens d’aujourd’hui qui s’inquiètent de la valeur du diplôme qu’ils décrocheront dans quelques semaines.

En revanche, le bac 2020 privé des épreuves écrites terminales – qui constituent de fait le véritable rite de passage de l’examen – pose les mêmes questions que celles abordées lors de la présentation de la réforme du bac 2021 qui introduisait une part de contrôle continu : le poids des inégalités sociales. La continuité pédagogique mise en œuvre durant le confinement a d’ailleurs surligné ces inégalités entre élèves. L’environnement social, familial, culturel était déjà primordial pour un bac classique, avec toutefois la possibilité offerte aux lycéens de se surpasser dans les épreuves finales. Avec le contrôle continu – qui reste soumis à l’arbitraire – le sprint final est remplacé par un marathon dont on sait d’avance qu’il pourrait en laisser certains sur le chemin.

Dans le "monde d’après" que veut bâtir Emmanuel Macron, la prise en compte de cette réalité-là paraît, dès lors, primordiale si l’on veut maintenir le caractère universel du baccalauréat auquel les Français restent toujours très attachés, afin que chaque jeune, quel que soit son milieu social, quelles que soient ses capacités à l’entrée en seconde et quel que soit l’emplacement de son lycée en France, ait les mêmes chances de réussite.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 20 mai 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

En marche

    Depuis douze siècles des pèlerins convergent vers Saint-Jacques-de-Compostelle qui, avec Jérusalem et Rome, est l’un des lieux des trois grands pèlerinages de la Chrétienté. Mais ceux qui marchent aujourd’hui sur les chemins de Compostelle ne le font pas seulement au nom de leur foi et n’arrivent pas forcément à la destination finale en Espagne. Les pèlerins du XXI e  siècle ne font souvent qu’une partie seulement de l’itinéraire millénaire avec des motivations bien plus diverses. Passionnés de randonnée pédestre, amoureux des paysages ou des monuments qui jalonnent le parcours désormais bien balisé et en partie classé au patrimoine mondial de l’Unesco, certains cheminent seuls, en couple ou en groupe pour accomplir une promesse personnelle, honorer un proche, rencontrer d’autres pèlerins de toutes nationalités ou tout simplement pour se retrouver soi-même. Car la marche est bonne pour le corps et l’esprit. « Les seules pensées valables viennent en marchant...