Déconfiner ou ne pas déconfiner à partir du 11 mai ? Telle est désormais la question qui se pose au gouvernement comme à l’ensemble des Français, à deux jours de l’annonce par Edouard Philippe des départements qui pourront être déconfinés et ceux qui devront encore subir un confinement strict en raison d’une circulation trop importante du coronavirus.
En choisissant le 13 avril dernier la date du 11 mai pour entamer la délicate phase de déconfinement, Emmanuel Macron a, certes, pris une décision éminemment politique et donné un horizon clair, une perspective indispensable et pour tout dire un espoir de retour à la normale aux Français, dont beaucoup ont souffert et souffrent encore de l’assignation à résidence entamée le 17 mars. Mais en établissant ainsi un tel objectif, le président de la République s’est fixé comme une obligation de résultat et a mis tout le monde sous tension, à commencer par son gouvernement et la communauté éducative, sommée de rouvrir les écoles alors que le Comité scientifique préconisait une rentrée en septembre.
Les modalités du plan de déconfinement dévoilées jour après jour pour les écoles, les transports, les entreprises, les commerces et bientôt les restaurants à la fin du mois, sont d’une extraordinaire complexité ; personne ne le conteste comme personne ne conteste que le gouvernement puisse faire de son mieux dans cette période inédite. Mais c’est justement parce qu’elles impliquent des aménagements majeurs à réaliser en très peu de temps que ces mesures, très nombreuses et souvent pas assez précises, suscitent aujourd’hui la critique d’un gouvernement qui semble parfois pétri de certitudes. Ainsi, sur la réouverture progressive des écoles, qui inquiète à raison les enseignants, les parents d’élèves et les élus, on a vu le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer invoquer « une question d’honneur »… Les maires, qui se retrouvent aujourd’hui très concrètement démunis devant l’impossibilité de réaménager leurs classes ou de disposer des personnels nécessaires pour respecter les mesures de déconfinement auraient sans doute préféré que l’on parle de la seule question qui vaille, celle de la sécurité sanitaire…
La petite phrase du ministre s’inscrit dans la longue série de couacs de communication entamée avec la pénurie de masques et qui expliquent sans doute pourquoi l’exécutif, au contraire de ses homologues européens, est sévèrement jugé par les Français : 62 % d’entre eux ne sont ainsi pas satisfaits de la gestion du dossier du coronavirus selon une vaste enquête du Cevipof et d’Ipsos Sopra Steria.
Face à cette défiance, il est sans doute urgent pour le gouvernement d’être davantage à l’écoute. Car s’il a la légitimité pour fixer le cadre national de déconfinement en vertu de l’état d’urgence sanitaire, il ne peut s’exonérer d’entendre les avis et remarques des élus locaux et balayer leurs inquiétudes. Sur le chemin de crête entre la sécurité sanitaire à maintenir et l’économie à redémarrer, sortir du flou est bien pour le gouvernement le seul moyen pour réussir le déconfinement.
(Editorial publié dans La Dépêche du mardi 5 mai 2020)