Après 55 jours d’un confinement inédit qui a mis à l’arrêt l’économie du pays, le retour à la normale pour les commerces reste éminemment compliqué, notamment par l’impérieuse nécessité de s’organiser pour respecter les règles de distanciation physique et les gestes barrière. Pour les commerçants dont beaucoup ont énormément souffert, financièrement comme psychologiquement, de la fermeture de leur boutique, cette nouvelle période est source de soulagement mais aussi d’inquiétude, car de son bon déroulement dépend leur avenir. Contraints de réaménager leurs boutiques et d’instaurer de drastiques règles sanitaires pour leur clientèle, notamment dans le secteur de l’habillement, les commerçants doivent aussi résoudre un casse-tête : comment écouler le stock qui s’est accumulé sans pour autant le brader ?
Pour les grandes enseignes et la grande distribution, la question est vite réglée avec le recours à des ventes privées pour faire revenir la clientèle fidèle ou de grosses promotions pour vider les rayons. Mais pour les petits commerçants, la situation est bien plus délicate. S’ils se sont parfois courageusement adaptés à l’épidémie avec des services en ligne, beaucoup plaident pour que chaque Français reste solidaire et consente à payer « le juste prix » de leurs marchandises.
Cette solidarité-là sera, à n’en pas douter, au rendez-vous. Privés de leur shopping dans leurs boutiques préférées, nul doute que les Français vont vouloir se faire plaisir : quelques achats et c’est un peu de la vie d’avant qui revient, surtout à quelques jours de la fête des mères, qui reste un rendez-vous commercial important.
Mais la récession économique qui guette la France impose de rester prudent. Est-on sûr que les Français, qui ont connu le chômage partiel et ont donc vu leur revenu habituel amputé, vont vouloir dépenser plutôt qu’économiser pour anticiper des temps difficiles ? L’augmentation des achats que l’on pourra constater ici et là ne correspondra-t-elle pas au simple rattrapage de dépenses prévues mais empêchées par le confinement ?
Alors que 72 % des Français prévoient, selon une enquête GfK, que le climat économique du pays va se dégrader avec plus de chômage dans cinq ans, et que les redressements judiciaires pourraient se multiplier dans l’habillement, le petit commerce, qui participe de la vitalité de nos centres-villes et de nos villages a, d’évidence, plus que jamais besoin d’être soutenu.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 28 mai 2020)