Au moment du confinement, Emmanuel Macron avait su trouver les mots justes pour rendre hommage à ceux qui étaient en première ligne, les soignants que les Français applaudissaient chaque soir à 20 heures à leur fenêtre. Puis, le chef de l’Etat avait salué ceux qui tenaient la deuxième ligne, c’est-à-dire tous ces métiers jusqu’alors invisibilisés, voire trop souvent méprisés – caissières, livreurs, facteurs, éboueurs, femmes de ménage… – mais qui ont pris des risques pour faire tenir le pays en assurant le fil de notre quotidien confiné. Enfin, le Président s’était dit fier de tous ceux qui constituaient la troisième ligne, c’est-à-dire tous les Français dans leur ensemble, qui ont fait preuve d’un civisme et d’une discipline exemplaires pour respecter les consignes – éprouvantes parfois – du confinement.
Entre les lignes, pourtant, une catégorie de nos compatriotes s’est sentie oubliée, et alors que le déconfinement est désormais bien engagé, elle lance un SOS pour son avenir. Ce cri d’alarme, qui doit être non seulement écouté mais entendu, est celui des quelque deux millions de saisonniers qui subissent une double peine.
Les saisons d’hiver ont été écourtées en raison du confinement et les saisons d’été ne peuvent toujours pas débuter. Dans ce no man’s land, les saisonniers sont donc contraints d’utiliser les droits Pôle emploi qui habituellement leur permettent de vivre entre deux saisons. Parfois remerciés au moment du confinement, certains n’ont pas eu droit au chômage partiel et beaucoup se sont retrouvés sans revenus et donc dans l’impossibilité d’acquérir ces droits qui leur permettraient d’être indemnisés par l’assurance chômage des saisonniers. D’autant qu’une nouvelle loi entrée en vigueur en novembre a durci les conditions d’obtention des droits. Ubuesque et dramatique…
Si des contrats ont pu être maintenus dans l’agriculture, les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration ou des loisirs restent dans le flou et dans l’attente des décisions du gouvernement pour les réouvertures. En avril dernier, Pôle emploi n’a enregistré que 3 800 nouvelles offres d’emploi saisonnier, un chiffre en recul de 71 % par rapport à l’an passé qui en dit long sur la précarité qui menace les saisonniers.
La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a indiqué lundi qu’il fallait "prendre une mesure spécifique" pour les saisonniers, renvoyant à une "réflexion" avec les partenaires sociaux. Vu la crise sociale que vivent les saisonniers, il est urgent de passer à l’action en reprenant peut-être le "quoi qu’il en coûte" qu’Emmanuel Macron avait su invoquer pour sauver les entreprises…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 22 mai 2020)