Que retiendrons-nous de ces 55 jours de confinement ? Quelle signification recèlent ces semaines où les Français sont restés à la maison, le temps que la propagation du coronavirus soit ralentie ? Qu’a révélé finalement ce confinement, totalement inédit pour une démocratie, de l’état de notre pays, des angoisses, des attentes et des espoirs qui traversent notre peuple ? Sans doute faudra-t-il encore plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années même pour comprendre comment cette période a bouleversé ce que l’on croyait immuable.
Mais d’ores et déjà, on peut mesurer comment les Français ont fait face à ce qui sera un événement majeur qui aura frappé chacune des notions de notre devise nationale.
La liberté d’abord. En premier lieu, c’est, en effet, l’incroyable adaptabilité des Français qu’il faut souligner. Brocardés comme des "Gaulois réfractaires" au changement, comme des râleurs impénitents toujours prompts à s’affranchir des règles, les Français, avec un remarquable sens civique, se sont au contraire pliés à des consignes qui rognaient leurs libertés. Pendant 55 jours, ils ont respecté les mesures souvent pesantes du confinement et accepté une assignation à domicile, que l’on croyait réservée aux pays totalitaires, car sous la contrainte perçait la promesse de retrouver la liberté.
Ensuite, ce confinement a mis à l’épreuve l’égalité, cette égalité républicaine à laquelle nous sommes si attachés, en révélant comme jamais les inégalités qui minent le pays. Car le confinement a été vécu bien différemment selon que l’on disposait d’une maison avec jardin, ou que l’on logeait trop nombreux dans un appartement exigu ; selon que l’on pouvait télétravailler de chez soi ou que l’on était contraint de continuer à aller sur son lieu de travail. Le confinement a ainsi révélé l’importance de tous ces métiers – livreurs, caissières, manutentionnaires, éboueurs… – sinon méprisés, du moins ignorés, et qui ont été essentiel pour maintenir à flot la vie quotidienne du pays, autant que les soignants applaudis chaque soir qui ont lutté pour préserver la vie tout court.
Enfin, ce confinement aura sublimé la fraternité, valeur souvent oubliée dans un monde libéral férocement individualiste. L’entraide qui a dépassé le seul cercle familial, la solidarité dont ont fait preuve les Français les uns avec les autres resteront un marqueur fort de cette période.
La liberté retrouvée, l’égalité à remettre à jour, la fraternité à conforter : voilà déjà trois objectifs pour le monde d’après qui reste à inventer, plus que jamais tous ensemble.
(Editorial publié dans La Dépêche du dimanche 10 mai 2020)