Photo compte twitter d'Emmanuel Macron |
Des deux premières années d'Emmanuel Macron à l'Elysée, dont il vient de célébrer mardi en toute discrétion l'anniversaire, tout aura été dit.
Certains y voient la «malédiction des deux ans» qui, toutes proportions gardées, a touché tous les présidents de la Ve République. Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande ont ainsi chacun accusé une violente chute de popularité deux ans après leur élection en raison de choix, de renoncements, de demi-tours ou d'attitudes personnelles pris aux antipodes des promesses de campagne. Emmanuel Macron n'échappe pas à la règle, lui qui promettait d'en finir avec les pratiques de l' « ancien monde », de présider autrement, de toujours « faire ce qu'il dit et dire ce qu'il fait », de conduire une politique et de droite et de gauche. Les deux premières années montrent au contraire qu'est à l'œuvre une politique sociale-libérale, centriste, « ni de gauche, ni de gauche » comme disait Mitterrand.
D'autres estiment qu'Emmanuel Macron, trop jeune, trop brillant, s'est heurté à la léthargie d'un appareil d'Etat qui lui serait hostile. L'énarque qu'il est en connaît pourtant depuis longtemps tous les arcanes, tous les codes et toutes les limites.
D'autres, pour expliquer la chute de popularité, soulignent la solitude du chef de l'Etat, peu aidé par des ministres trop techniciens, des députés aussi novices que godillots et l'absence d'élus de terrain madrés. Certes Emmanuel Macron, en ne se fiant au mieux qu'à ses conseilleurs «mormons» – ces trentenaires qui lui ont permis de conquérir l'Elysée – et très souvent qu'à son intuition, s'est singulièrement isolé, voire déconnecté. Mais ces prédécesseurs ont aussi subi – ou cédé à – la tour d'ivoire que constitue l'Elysée.
D'autres enfin, attribuent la rupture du charme qui avait tant séduit les Français durant la campagne au « parler cash » du Président. Toutes ces petites phrases clivantes, blessantes, humiliantes qu'Emmanuel Macron a souvent promis de ne plus prononcer mais qui – c'est plus fort que lui ! – ressurgissent régulièrement.
Toutes ces raisons expliquent le désamour actuel ; et il sera difficile à Emmanuel Macron de reconquérir les Français.
Mais une autre raison, plus profonde, aura marqué les deux premières années du quinquennat : le rapport au temps. À l'heure des réseaux sociaux, de la 5G, de la mondialisation, de la vitesse Hyperloop, du tout, tout de suite, Emmanuel Macron – qui est de la génération X, celle qui a connu l'arrivée d'internet – a toujours voulu aller vite. Dans sa vie comme à l'Elysée où il a lancé tambour battant des réformes ; la vitesse permettant aussi d'anesthésier les oppositions. Mais en allant si vite, le Président « maître des horloges » est passé à côté de l'essentiel : l'écoute des Français qui demande, justement, du temps. Cette écoute que lui réclament aujourd'hui et pour les trois années qui viennent ses concitoyens interrogés dans notre sondage BVA-La Dépêche.
« Le rapport au temps est une question plus large qui m'a toujours obsédé », concédait Emmanuel Macron en décembre 2017. En disciple de Paul Ricoeur, il estimait même, en 2011, que l'action politique est « écartelée entre ces deux temporalités : le temps long qui condamne à la procrastination ou l'incantation et le temps court qui appelle l'urgence imparfaite et insuffisante. » Huit ans plus tard, Macron, président pressé, doit apprendre à agir en donnant «du temps au temps »…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 10 mai 2019)