On aura suffisamment déploré que la campagne électorale pour les élections européennes de dimanche n'ait jamais vraiment décollé – boudée par les Français, enlisée dans des polémiques, des punchlines, des slogans qui se veulent chocs, des bourdes à répétition, bref des batailles picrocholines politiciennes typiquement françaises – pour admettre, in fine, qu'il y a pourtant bel et bien des idées sous le brouhaha. Extrémistes, souverainistes, progressistes, environnementalistes, socialistes, communistes, fantaisistes et même animalistes : oui, il suffit de se plonger dans les professions de foi des candidats pour constater un foisonnement de propositions dont nous publions aujourd'hui une synthèse. Certes, l'opération, convenons-en, peut être rébarbative. Mais on ne peut pas à la fois se plaindre, de salons feutrés en ronds-points repeints en jaune, qu'il y a un déficit de démocratie en France et refuser de faire a minima son devoir de citoyen en s'informant avant de voter quand un scrutin arrive…
Ceci posé et à désormais deux jours des élections, il y a deux façons d'aborder ces européennes. Soit on ne les regarde qu'avec le petit bout de la lorgnette, dans l'entre-soi du débat franco-français, sans se soucier de ce qui se passe chez nos voisins et partenaires. On ne conforte alors son choix que par des considérations de politiques nationales, on se positionne d'abord et avant tout sur la politique de l'exécutif et on souscrit à l'idée de faire du scrutin un référendum pour ou contre Emmanuel Macron. C'est une possibilité d'autant plus forte que le président de la République comme ses opposants ont tous largement cédé à la tentation de la polarisation du débat sur ces questions nationales.
Soit on prend un peu de hauteur… pour mieux redescendre sur terre. Et on se rend compte que les européennes sont une élection à la proportionnelle et pas le remake du duel de la présidentielle ; que les thématiques qui électrisent le débat ici en France ne sont parfois même pas abordées dans les autres pays ; que les têtes de listes, aussi pugnaces ou gaffeuses soient-elles, ne seront une fois élues que des eurodéputées parmi d'autres, qui ne pèseront pas plus que d'autres ; que les élus Français vont rejoindre des groupes politiques multinationaux qui devront conclure des alliances, trouver des compromis, bâtir concrètement des politiques, très loin des seuls enjeux nationaux, des seules stratégies politiques nationales françaises. Enfin, que la poussée des extrémismes qui affichent sans fard leur volonté de briser 60 ans de construction européenne, mérite qu'on mesure toute l'importance du vote à venir...
Dès lors, ce dimanche, il conviendrait de ne pas se tromper d'élection, et de voter intelligemment en pensant non pas à la politique française qu'on voudrait, mais à l'Europe que l'on souhaite.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 24 mai 2019)