Accéder au contenu principal

Question de respect

hospital


Le coup de théâtre survenu lundi soir dans l'affaire Vincent Lambert, où la cour d'Appel de Paris a demandé que les soins interrompus le matin même soient rétablis afin qu'un comité de l'ONU se penche sur onze années de procédure, impose de poser, plus encore que la question de la dignité ou de la décence, celle du respect de l'être humain.

D'abord le respect de Vincent Lambert lui-même. Est-ce que diffuser sur les réseaux sociaux une vidéo de ce tétraplégique volée à son intimité sur son lit d'hôpital est respectueux de sa personne ? Est-ce que faire hurler une foule militante « on a gagné » est respectueux de ce patient en état végétatif irréversible ? Est-ce respectueux des personnels soignants qui se relaient à son chevet et seraient donc considérés comme des ennemis, des criminels, des « nazis » ? Est-ce qu'entendre les parents parler de « victoire » et voir leur avocat jubiler et parler de « remontada » comme s'il s'agissait d'un match de foot est respectueux et à la hauteur d'une affaire aussi sensible ? Assurément non. On peut comprendre la douleur – forcément légitime – de parents qui refusent de voir l'un de leurs enfants partir ; on ne peut accepter qu'eux-mêmes et un aréopage de militants catholiques intégristes aient confisqué le corps d'un homme dans l'incapacité de communiquer, le transformant en un objet de propagande. Et ce d'autant plus que tout tend à prouver qu'avant son accident, le jeune infirmier avait à plusieurs reprises dit son opposition à tout acharnement thérapeutique.

Respect ensuite de la loi. Depuis onze ans, les différentes parties de cette famille qui se déchire ont pu faire appel à toutes les instances judiciaires françaises et européennes. À aucun moment leurs droits n'ont été déniés et les juges ont examiné avec beaucoup de minutie les multiples recours déposés par les parents depuis une décennie. Les procédures ont toujours été respectées et l'arrêt des soins qui était entamé lundi était bel et bien conforme à la loi Claeys-Leonetti, quels que soient les manques qui la caractérisent. Et ils sont nombreux puisqu'à peine 13 % des Français ont rédigé leurs directives anticipées qui sont capitales dans de tels cas, et que l'arrêt des soins tel que défini par cette loi – la «sédation profonde et continue jusqu'au décès» – reste trop floue. Mise en œuvre trop tôt et ce serait de l'euthanasie active interdite par la loi, trop tard et ce serait des jours de calvaire pour les patients… c'est-à-dire l'acharnement thérapeutique.

Respect enfin de la volonté des Français. Sondage après sondage, ils réclament à une écrasante majorité une loi claire en faveur de l'euthanasie active. Emmanuel Macron a évidemment eu raison de ne pas intervenir dans le dossier individuel de Vincent Lambert ; en revanche, il lui appartient maintenant de faire émerger une nouvelle loi, comme l'ont fait certains de nos voisins européens sans qu'ils ne soient confrontés à d'hypothétiques dérives que dénoncent par anticipation les opposants à l'euthanasie.

Cette loi apparaît de plus en plus comme inéluctable. Elle offrira de nouveaux droits sans rien enlever à ceux qui, par convictions religieuses ou philosophiques, n'en veulent pas. Cette loi, celle de l'ultime liberté, permettra à chacun, pour reprendre l'expression de Rachel Lambert, l'épouse de Vincent, de « partir en homme libre ».

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 22 mai 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Amers adieux

Un anniversaire… qui vire aux adieux. Air France, qui fête cette année ses 90 ans, a annoncé hier, à la surprise générale, qu’elle allait quitter en 2026 l’aéroport d’Orly et recentrer ses vols intérieurs sur son hub de Roissy-Charles de Gaulle. En quittant ainsi le deuxième aéroport du pays, la compagnie française tourne la page d’une histoire qui avait commencé en 1952, année de son arrivée à Orly. Histoire partagée depuis par des millions de Français qui, tous, peu ou prou, pour le travail ou les loisirs, ont un jour pris un avion d’Air France pour Paris-Orly, ont parfois confondu Orly-Ouest et Orly-Sud, ont accompagné le développement de la compagnie avec le lancement des Navettes vers Toulouse, Nice, Bordeaux, Marseille puis Montpellier, ont découvert au fil des ans les nouveaux Airbus, apprécié la qualité du service à bord, puis, une fois arrivés, emprunté l’OrlyVal pour rejoindre le centre de Paris ou continuer leur voyage avec une correspondance. Si l’annonce du départ d’Air Fr