Qui n'a pas entendu parler de l'intelligence artificielle (IA ou AI en anglais) ? L'expression revient en boucle dans les médias, dans les publicités, comme argument marketing ou gage de modernité. Si l'IA est parfois exagérée voire galvaudée par certains – marques ou personnalités en manque de médiatisation – elle n'en est pas moins une réalité tout sauf artificielle, une véritable révolution industrielle et sociale plus importante encore que les précédentes que furent la machine à vapeur, l'électricité ou l'informatique.
Car derrière les prouesses technologiques et scientifiques qui combinent algorithmes, données et calculs informatiques de grande ampleur se trouvent des enjeux économiques, géopolitiques, socioculturels colossaux. Et la bataille qui mobilise des milliards d'investissements a déjà commencé avec deux acteurs principaux : les États-Unis et la Chine, qui rivalisent d'innovations dans de nombreux domaines. Santé connectée, voiture autonome, transports, robotique, environnement, médias mais aussi surveillance, contrôle, authentification : aucun domaine n'échappe à l'intelligence artificielle qui s'immisce partout et est déjà une réalité. La recommandation de films sur Netflix ? Le contrôle de sa maison via une enceinte connectée ? Et même l'analyse des contributions du Grand débat national ? Toutes ces activités si diverses font appel, à un moment ou à un autre, à de l'intelligence artificielle. La science-fiction est désormais une réalité, un monde comme celui de 1984 d'Orwell est déjà une possibilité.
Face à un tel enjeu, quelle place peut avoir l'Europe ? Quel rôle peut jouer la France ? Deux questions qui restent en suspens car le débat sur l'IA reste pour l'heure – en France comme en Europe – secondaire et réservé à quelques spécialistes, alors même qu'il devrait être sur la place publique et que les politiques devraient s'en emparer. Ce qui fait dire à Laurent Alexandre – qui vient de signer avec Jean-François Copé L'IA va-t-elle aussi tuer la démocratie ? – que « nous vivons un coup d'Etat numérique » et que la « colonisation numérique » de l'Europe par les Gafam américains ou les BATX chinois moins connues est en marche.
Pour autant tout n'est pas encore perdu. La France, sous l'impulsion du député et mathématicien Cédric Villani, a lancé un plan d'action, qu'on peut trouver modeste mais qui existe. Et un écosystème est en train de voir le jour dans lequel Toulouse, via le projet Aniti, va avoir une place de choix.
La Ville rose, capitale européenne de l'aéronautique et du spatial, est en mesure d'ajouter une corde à son arc avec l'intelligence artificielle. En additionnant aux compétences scientifiques, techniques et industrielles de ses acteurs un aspect essentiel : l'association des citoyens. Car entre l'intelligence artificielle version américaine ou chinoise, il y a la place pour une IA éthique, démocratiquement régulée, que doit porter aujourd'hui l'Europe.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 6 mai 2019)