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Articles

Affichage des articles du novembre, 2025

D'intérêt général

    « La société politique contemporaine : une machine à désespérer les hommes » déplorait Albert Camus. Et il est vrai que lorsque l’on regarde les débats parlementaires autour du budget, il y a de quoi se désespérer. Entre les stratégies à trois bandes des uns et des autres, les petites mesquineries qui consistent à déposer des centaines d’amendements pour retarder les débats ou empêcher un vote, les oukases des uns pourtant largement sanctionnés lors des législatives de 2024 ou les diktats des autres qui ne disposent d’aucune majorité, les citoyens peuvent légitimement se demander où est passé le sens de l’intérêt général. Pas étonnant que plus de huit Français sur dix estiment que les responsables politiques agissent pour leurs intérêts personnels, selon la dernière enquête « Fractures françaises » d’Ipsos, et qu’à peine 20 % font confiance aux députés ou à l’Assemblée nationale. Et pourtant, le sens de l’intérêt général existe, traverse les d...

Un air de déjà-vu

  Une semaine de cinq jours, des cours plus courts, qui commencent plus tard, des matinées pour les cours théoriques et des après-midi pour des activités pratiques et péri-scolaires, artistiques ou sportives, et un calendrier de vacances scolaires sur deux zones… Les vingt propositions contenues dans le rapport de la Convention citoyenne sur le temps de l’enfant, voté dimanche et transmis au gouvernement, ont un air de déjà-vu. Et pour cause, cela fait au moins trente ans que la France débat de la réforme de ses rythmes scolaires, sans cesse annoncée mais jamais mise en œuvre efficacement en dépit de colloques, séminaires, études, rapports, décrets ou débats sans fin dans les médias. En 1995, Guy Drut et François Bayrou lancent un programme expérimental d’aménagement des rythmes scolaires, proposant à des communes volontaires d’adopter une semaine d’au moins cinq jours avec des plages pour des activités sportives, culturelles et de loisirs. Entre les années 90 et 2000, c’est pourta...

Mythe et réalité

    Dans un pays polarisé, voilà un sujet transversal qui interpelle tous les Français : le retour du service militaire. Ce qui n’était qu’une hypothèse régulière depuis la fin de la conscription, il y a 28 ans, va désormais prendre consistance avec une annonce officielle prévue demain. Jusqu’à présent, les partisans d’un retour du service militaire vantaient sa capacité à être le creuset de la Nation, faisant se côtoyer de jeunes hommes d’horizons sociaux différents. D’aucuns évoquaient la camaraderie des chambrées, l’esprit de corps et les amitiés pour la vie nées dans les casernes. Mais derrière ces souvenirs embellis, la réalité était tout de même bien différente dans les dernières années : le brassage social se faisait au tamis des dispenses des uns et des pistonnages des autres et l’instruction militaire proprement dite s’oubliait aussitôt le service terminé – hormis pour ceux qui optaient pour devenir réservistes. En 1997, Jacques Chirac a eu la lucidité et le...

Priorité numéro 1

Où est passé le pouvoir d’achat ? Il y a encore quelques mois il occupait le devant de la scène médiatique, les représentants de la classe politique promettaient de se battre pour lui à chacune de leurs interventions. Mais depuis que l’inflation s’est assagie, le sujet semble moins prégnant que les chicayas parlementaires et les complexes débats à l’Assemblée nationale sur le Budget de l’État et celui de la Sécurité sociale. Il est vrai que le pic de l’inflation est désormais passé. Selon l’indice des prix à la consommation pour octobre 2025, publié la semaine dernière par l’Insee, les prix ont augmenté de 0,1 % sur un mois et de 0,9 % sur un an. Une très légère hausse qui s’explique d’abord par un rebond des prix des services et des produits manufacturés (+0,2 % après +0,4 %). Mais côté alimentation, les prix baissent de nouveau (-0,2 % comme en septembre), comme ceux de l’énergie (-0,4 % après une stabilité). Sur un an, les prix de l’alimentation ont augmenté de 1,3 %, ceux de l’éner...

Toujours pas automatique

  « Les antibiotiques, c’est pas automatique ». Le slogan de cette campagne de sensibilisation est devenu culte et pourtant, vingt-deux ans après son lancement, les Français ne semblent n’en avoir retenu que la musicalité et pas le fond. En effet, la France, vice-championne d’Europe, reste l’un des pays où l’on prescrit et consomme le plus d’antibiotiques. Les dernières données de consommation d’antibiotiques en secteur de ville, publiée par Santé publique France à l’occasion de la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens et de la Journée européenne d’information sur les antibiotiques, sont édifiantes. Entre 2023 et 2024, on constate une augmentation de 4,8 % des prescriptions, en ville et hors secteur d’hospitalisation, avec plus de 860 prescriptions d’antibiotiques pour 1 000 habitants réalisées au cours de l’année ! On est loin de l’objectif cible de 650 prescriptions pour 1 000 habitants par an d’ici 2027, fi...

Municipales 2026 : du concret

  Dans quatre mois vont avoir lieu les élections municipales et pourtant ce scrutin semble être passé sous les radars médiatiques, tous focalisés depuis des mois sur le feuilleton budgétaire à l’Assemblée nationale et la valse des Premiers ministres. Hormis dans la presse quotidienne régionale, la campagne des municipales est comme une campagne quasi-fantôme, et seule la cuisine interne politique des alliances et investitures dans quelques grandes villes – Paris en tête – a arraché un peu d’intérêt. Et pourtant, ces municipales – cette fois organisées sans la perturbation d’une pandémie comme en 2020 – sont importantes tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, le scrutin soulève des inquiétudes en raison des modifications qui sont à l’œuvre. Toutes les communes, y compris celles de moins de 1 000 habitants, vont voter selon un mode de scrutin de liste proportionnel paritaire à deux tours avec prime majoritaire. Fini le scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec possi...

Le juste prix

    L’installation d’une boutique du géant numérique de l’ultra fast fashion Shein au cœur du BHV de Paris a suscité un tollé chez les politiques et les professionnels du secteur sinistré de l’habillement Made in France . Mais au-delà de la polémique – qui plus est exacerbée par la vente scandaleuse de poupées pédopornographiques sur le site internet de Shein – cette affaire remet sur le devant de la scène la conséquence la plus remarquable de la mondialisation : l’opposition entre fin du monde et fin du mois… Car tout part de là. Comment demander à des ménages fragilisés de consommer mieux – donc plus cher – lorsqu’ils n’absorbent déjà plus la hausse des prix du quotidien ? Et comment ignorer que le low cost prospère précisément sur cette vulnérabilité, en offrant une illusion de pouvoir d’achat à défaut d’un réel progrès social ? L’économie low cost est une économie éminemment polluante : les produits qu’elle utilise attentent à l’environnement et parfois...

Marqués à vie

  C’était il y a dix ans, c’était hier. Comme pour les attentats contre le World Trade Center à New York le 11 septembre 2001, tous les Français se souviennent de ce qu’ils faisaient dans la soirée du 13 novembre 2015. Déjà éprouvés par l’attaque terroriste contre la rédaction de Charlie Hebdo, celles de l’Hyper Cacher et de Montrouge en janvier, les Français se sont retrouvés précipités face à une inimaginable nuit d’horreur, celle des pires attentats que le pays ait jamais connus. Chacun garde en mémoire des images chocs, le ballet d’ambulances devant les terrasses parisiennes aux noms joyeux – Le Carillon, Le Petit Cambodge, La Belle équipe… – qui se retrouvaient ensanglantées et endeuillées ; les dizaines de blessés hagards et en pleurs, enveloppés dans leurs couvertures de survie dorées ; la mobilisation policière et militaire ; les mines graves de François Hollande, Anne Hidalgo, Manuel Valls ou François Molins, ce procureur-courage dont le visage et la voix rassureront plus ...

Les échecs, quel succès !

  Il y a dans les échecs quelque chose qui fascine ceux qui y jouent comme ceux qui n’y jouent pas, qui résiste au temps, aux modes ou aux ruptures technologiques. Un plateau de 64 cases noires et blanches, des pièces sculptées, cavalier, dame, tour, fou et l’humanité entière qui y projette depuis quinze siècles ses rêves de maîtrise, de stratégie, de victoire et, parfois, d’abîme. Alors que d’autres jeux disparaissent, se transforment ou se font absorber par le numérique, les échecs, eux, prospèrent. En France, la Fédération a franchi le cap des 81 500 licenciés en 2025, contre 50 000 cinq ans plus tôt ! Une spectaculaire progression de 60 % portée surtout par les enfants, les adolescents et les lycéens avec le dispositif Class’Echecs. Aux vieilles tables de bois et aux cafés enfumés du XIX e  siècle se sont ainsi ajoutés les salles d’école, les tournois scolaires et aussi les plateformes en ligne. L’influence de la série « Le Jeu de la Dame » su...

Ouvrir les yeux

  Le procès dit de la "maison de l’horreur" qui s’ouvre aujourd’hui à Auch suscite évidemment l’effroi. L’affaire, révélée par La Dépêche en avril 2022, est hors norme. Il y a trois ans, nous découvrions que dans une vaste bâtisse située près de l’aérodrome de Nogaro, l’impensable s’était produit : un système d’emprise totale dans lequel étaient enfermés quatre femmes et 28 enfants vivant sous l’autorité d’un homme décrit comme violent et manipulateur, utilisant une lecture rigoriste de l’islam comme outil de contrôle. Les enfants, soumis à des brimades et à la pauvreté affective, ne sortaient presque que pour l’école. L’une des femmes avait dénoncé des faits de viols, violences volontaires et séquestration. L’homme doit répondre de 22 chefs d’accusation dont viols sur mineurs, actes de torture et de barbarie, ainsi que pour violences sur l’ensemble des victimes. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité devant la cour d’assises du Gers, qui va s’efforcer de déterminer ...

Le jetable et le durable

    L’arrivée controversée du géant chinois Shein en France, au cœur du mythique Bazar de l’Hôtel de Ville de Paris, concentre à lui seul tous les symboles et les travers de notre époque. Shein est, d’abord, le symbole de l’ultra fast fashion, cette mode jetable aux produits de piètre qualité, capable d’ajouter chaque jour 4 000 à 6 000 références à son inventaire pour inonder le marché mondial. Pour parvenir à fournir ces t-shirts à 1 € ou ces vestes à 10 €, elle ne s’encombre évidemment pas des conditions de travail et de vie des ouvriers qui les fabriquent. Travaillant dans des méga-usines sans répit, 12 heures par jour, avec un seul jour de congé par mois, payés à la pièce, ces hommes, et surtout ces femmes et parfois ces enfants, sont quasi-esclavagisés, comme l’a montré l’eurodéputé Raphaël Glucksmann en alertant sur la situation des Ouïghours. Les ONG ont aussi raison de refuser de distinguer l’ultra-fast fashion type Shein de la fast ...

Des prix et des défis

  L’hiver approche et les Français s’inquiètent d’une hausse des prix de l’électricité. En France, la fin du dispositif de l’ARENH — qui garantissait un tarif régulé pour les fournisseurs alternatifs — et la situation géopolitique internationale laissent planer une ombre sur les factures des ménages et des entreprises. Mais derrière cette préoccupation à court terme, une question plus vaste s’impose : notre système électrique, conçu pour un monde d’usages stables peut-il encore suivre le rythme d’une économie numérique, décarbonée et désormais… dopée à l’intelligence artificielle ? Le réseau français, longtemps modèle de fiabilité, doit aujourd’hui affronter une double tension. D’un côté, la montée en puissance des énergies renouvelables rend la production plus intermittente ; de l’autre, la demande s’emballe tirée par de nouveaux usages (voitures électriques, numériques). Les appels à la modernisation deviennent dès lors pressants : stockage massif, pilotage in...