La lecture de notre enquête sur la disparition de Thanyarat, jeune mère thaïlandaise partie vivre près de Toulouse dans la commune de son mari français avec l’espoir d’une intégration durable, puis brutalement arrêtée à Bangkok en février 2024 dans des circonstances troubles, rappellera à beaucoup le film d’Alan Parler « Midnight Express » racontant l’histoire vraie d’un américain arrêté en Turquie pour contrebande de haschich, puis incarcéré dans la sinistre prison de Sagmalcilar. Les similitudes s’arrêtent toutefois là car notre affaire est nimbée de mystère. La jeune femme aurait été condamnée à 33 ans et immédiatement incarcérée à la centrale de Klong Prem, mais il n’y a aucun procès connu, aucune preuve versée dans le débat public, aucune ligne officielle confirmée. Seulement des rumeurs, des bribes… et un silence qu’on ne peut laisser s’installer quel que soit le sort de la jeune femme.
Si l’on prend pour acquis qu’elle est effectivement emprisonnée, cette affaire suscite un malaise à plusieurs titres, au premier rand desquels figurent l’indifférence froide des autorités. Parce qu’elle n’a pas renouvelé son titre de séjour avant de quitter le territoire français, l’État semble se dédouaner de son cas, comme si l’intégration – pourtant encouragée, promue et conditionnée à mille démarches que suivait sérieusement Thanyarat – pouvait s’effacer d’un trait de plume administratif. La France est pourtant prompte à défendre ses ressortissants dans d’autres contextes. Thanyarat – qui n’est ni journaliste otage, ni humanitaire détenue, ni homme d’affaires – n’est certes pas française, mais le parcours d’intégration qu’elle suivait mériterait qu’elle bénéficie d’une protection minimale en retour ou en tout cas d’une attention particulière du pays de son mari.
Cela est d’autant plus nécessaire qu’elle se retrouve incarcérée en Thaïlande où la justice opère selon des logiques souvent opaques, où la peine de mort est possible pour certains délits liés aux stupéfiants et où l’accès aux droits de la défense est tout sauf garanti.
Thanyarat est ainsi devenue l’illustration tragique d’un entre-deux juridique et moral. Trop étrangère pour bénéficier d’un soutien officiel, trop intégrée pour que son sort n’interpelle pas. Peut-on accepter qu’une jeune femme, présumée innocente, qui a montré son désir sincère de vivre en France soit ainsi abandonnée au bon vouloir d’un système judiciaire étranger, sans médiation, sans recours, sans regard ?
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du