Accéder au contenu principal

Jeunesse en danger

 

nantes

 

La mort d’une lycéenne à Nantes, poignardée hier par un camarade qui a blessé trois autres élèves dans un déchaînement de violence nous glace d’effroi. Comment un tel drame a-t-il pu se produire ? Comment un jeune homme peut-il préméditer un tel acte pour résoudre un différend avec la victime ou pour des motifs idéologiques extrêmes ? Comment cet élève inconnu des services de police a-t-il pu emporter deux couteaux en nourrissant le projet de se venger ou de se faire justice, et frapper sans hésitation ses camarades, pour blesser, pour tuer, avant d’être maîtrisé ? Comment en est-on arrivé à un tel niveau de violence qui rappelle – toutes proportions gardées bien sûr – celui des tueries de masse que l’on voit survenir régulièrement dans les lycées américains ?

L’école devrait être un sanctuaire, hermétique aux maux de la société, mais cela fait longtemps que l’on sait qu’il ne s’agit que d’un vœu pieux. École et société sont interconnectées, ce qui se passe à l’extérieur se vit aussi à l’intérieur ; ce qui se vit dans la classe ou la cour de récréation suit les élèves jusqu’à la maison. C’est d’autant plus vrai que cette interconnexion se joue aussi dans la sphère numérique, qui se moque de ces frontières. Les élèves vivent leur jeunesse IRL (in real life, dans la vie réelle), autant qu’en ligne sur les réseaux sociaux. Dans la première, les parents, les enseignants, la communauté éducative peuvent encore intervenir sur ce qu’ils voient, mais dans la seconde ? Dans l’intimité de leur chambre, sur leur ordinateur, ou n’importe où seuls face à leur smartphone, à quoi les adolescents s’exposent-ils ? À quels contenus, à quels échanges, à quels défis sont-ils confrontés, seuls face à de froids algorithmes de recommandation, seuls face au cyberharcèlement qui s’immisce sans entraves, seuls face à des vidéos, des articles violents ou facteurs de haine, si peu modérés par les géants du numérique, qui les poussent à mal se considérer eux-mêmes et à mal considérer les autres ?

Il y a quelques semaines, Netflix a mis en ligne la série britannique « Adolescence » qui raconte de façon implacable le meurtre d’une jeune fille par un camarade de classe de 13 ans d’apparence si normale et si sage, mais qui s’est laissé influencer par des discours masculinistes et misogynes sur les réseaux sociaux, seul dans sa chambre, sans que ni ses parents, ni ses enseignants n’aient rien vu de ce mal-être. En quatre épisodes, la série, qui décortique les mécanismes de cette radicalisation vers la violence, a provoqué un électrochoc au Royaume-Uni jusqu’à la chambre des Communes, où le Premier ministre Keir Starmer a confié s’être lancé dans le visionnage de la série avec ses deux enfants et soutient depuis sa diffusion dans les écoles du pays, marqué par des affaires similaires ces derniers mois.

Une série peut être utile pour prendre conscience de tels phénomènes qui finissent dramatiquement, mais elle ne saurait être suffisante. C’est à la société tout entière, pas seulement les parents ou les enseignants, qu’il appartient aujourd’hui de réagir. François Bayrou « en appelle à un sursaut collectif » face à la « violence endémique » dans « une partie de notre jeunesse ». À tous les niveaux, la société doit agir pour la jeunesse en danger. Il y a urgence.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 25 avril 2025)

 

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

En marche

    Depuis douze siècles des pèlerins convergent vers Saint-Jacques-de-Compostelle qui, avec Jérusalem et Rome, est l’un des lieux des trois grands pèlerinages de la Chrétienté. Mais ceux qui marchent aujourd’hui sur les chemins de Compostelle ne le font pas seulement au nom de leur foi et n’arrivent pas forcément à la destination finale en Espagne. Les pèlerins du XXI e  siècle ne font souvent qu’une partie seulement de l’itinéraire millénaire avec des motivations bien plus diverses. Passionnés de randonnée pédestre, amoureux des paysages ou des monuments qui jalonnent le parcours désormais bien balisé et en partie classé au patrimoine mondial de l’Unesco, certains cheminent seuls, en couple ou en groupe pour accomplir une promesse personnelle, honorer un proche, rencontrer d’autres pèlerins de toutes nationalités ou tout simplement pour se retrouver soi-même. Car la marche est bonne pour le corps et l’esprit. « Les seules pensées valables viennent en marchant...