
Lors des affaires de disparition, les enquêteurs expliquent souvent que les 48 premières heures sont déterminantes. Car lorsque les jours, les semaines, les mois passent, l’espoir s’amenuise. L’affaire Laure Zacchello – qui fait écho à tant d’autres dossiers dont celui de Delphine Jubillar dans le Tarn – est dans cet entre-deux.
Dix mois après la disparition de cette mère de trois enfants, le 21 juin 2024 à Urrugne, dans le Pays basque, l’espoir de la retrouver saine et sauve s’est peu à peu envolé. « Aujourd’hui, cet espoir est vain, sauf pour retrouver son corps afin de lui offrir une sépulture digne », explique dans nos colonnes l’avocat des parents de l’ancienne infirmière militaire qui s’était reconvertie en « psychogénéalogiste » et avait déménagé du bassin d’Arcachon au Pays basque à la demande de son mari. Un mari qui reste au cœur des investigations. Alexis Juret avait été retrouvé le jour de la disparition, inconscient et blessé à la tête sur la terrasse de la maison familiale, avec un parpaing à proximité et des ecchymoses. Rapidement, la police a soupçonné une mise en scène de celui qui affirme ne pas se souvenir des événements. L’accumulation d’éléments troublants – disparition de deux armes à feu du domicile, un pistolet automatique et un pistolet-mitrailleur, découverte de traces de sang, résidus de poudre sur les vêtements du mari, témoignages de l’entourage évoquant la peur constante de Laure – a conduit la justice à mettre en examen le mari pour homicide volontaire sur conjoint et à le placer en détention provisoire le 26 juin dernier.
Les investigations se poursuivent, mais malgré d’importantes recherches dans la région, Laure Zacchello reste introuvable à ce jour. Les enquêteurs continuent leur travail, notamment en explorant le profil singulier et l’emploi du temps d’Alexis Juret, ancien réserviste de la gendarmerie jusqu’en 2020 et adepte de survivalisme – qui clame toujours son innocence.
Dix mois après son déclenchement, l’affaire Zacchello reste pour l’heure un mystère dont la clé pourrait être au cœur du couple qui était en instance de divorce, Laure désirant cette séparation, Alexis la refusant fermement, peut-être violemment. Pas physiquement, mais psychologiquement. Plusieurs témoignages attestent que Laure Zacchello vivait dans la peur de son mari depuis plusieurs mois au point de transporter systématiquement une caméra portative dans son sac ou de bloquer sa porte avec une chaise pour se protéger de celui qui lui avait déjà fait plusieurs scènes.
Cette emprise psychologique a longtemps été ignorée ou minorée. La France a progressivement intégré cette notion dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, principalement à travers la reconnaissance des violences psychologiques et du harcèlement moral dans le couple. Depuis 2010, le Code pénal sanctionne les violences psychologiques répétées, même en l’absence de violences physiques, et, cette année, l’Assemblée nationale a validé un projet de loi introduisant le concept de « contrôle coercitif » dans le Code pénal, inspiré du modèle britannique.
En attendant que la vérité de l’affaire d’Urrugne émerge et que l’on retrouve Laure Zacchello, l’affaire permet d’interpeller la société tout entière sur les ravages des violences psychologiques, cet enfer silencieux dans lequel se démènent tant de femmes.
(Éditorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 21 avril 2025)