Accéder au contenu principal

Pluralisme

europe

Trente-huit listes se présentent aux prochaines élections européennes du 9 juin, quatre de plus qu’en 2019. Un record que la France partage cette année avec l’Espagne. Et un casse-tête pour les communes qui sont donc tenues de préparer trente-huit panneaux électoraux pour accueillir les affiches des candidats.

Et pourtant, ces emplacements resteront souvent vides, car ces « petites listes », souvent inconnues des Français et montées spécifiquement pour ce scrutin, n’ont pas les moyens d’imprimer des affiches, ni même des professions de foi ou des bulletins de vote. Si elles ne visent évidemment pas la barre illusoire des 5 % des suffrages à partir desquels on obtient des députés, elles ne visent pas non plus le seuil de 3 % pour se faire rembourser les frais de campagne. Avec quelques dizaines de milliers de voix espérées, leur objectif est simplement d’utiliser la caisse de résonance des élections européennes pour faire entendre et connaître leurs idées.

La logistique d’organisation des élections européennes avec trente-huit listes amène à s’interroger sur la nécessité d’établir à l’avenir quelques règles de candidature. Il a suffi, pour se présenter aux européennes, de réunir 81 personnes sans aucun critère de représentation géographique là où les candidats à l’élection présidentielle doivent réunir 500 parrainages d’élus issus d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer différents. Et lorsque l’on regarde ce que font nos voisins, on constate qu’à la règle commune imposée aux 27 États membres (suffrage direct à la proportionnelle), certains pays ont ajouté des critères comme la parité hommes-femmes sur les listes, des interdictions de cumul de mandat ou la possibilité de panacher les listes. Trois pays ont opté pour des circonscriptions régionales et non pas nationales, ce que la France a pratiqué en 2009 et 2014. Autant de pistes pour « filtrer » les listes sans pour autant censurer la diversité de l’expression politique.

On peut évidemment être tenté de se gausser de ces listes aux dénominations parfois pompeuses et dont certaines ne défendent qu’une seule idée, sans aucun programme global. Mais, après tout, ce foisonnement n’est-il pas l’essence même de la démocratie, son pluralisme, que rêveraient d’avoir certains habitants dans le monde qui vivent sous le joug de dictatures où l’on ne vote pas ou pas librement ? Cette profusion de listes ne montre-t-elle pas aussi qu’en dépit de la désaffection chronique des citoyens pour la politique, qui se traduit par des taux d’abstention importants et une défiance envers les grands partis, certains veulent encore s’engager, débattre, convaincre et se soumettre au verdict des urnes ? En ce sens, ces 38 listes disent quelque chose de la France, racontent l’état démocratique du pays, son paysage politique archipélisé, ses obsessions, ses craintes comme ses espoirs.

Au soir du 9 juin, les responsables politiques seraient bien inspirés de regarder les scores des « petites listes » en ayant à l’esprit le mot de Camus, qui estimait que « la démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. »

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 29 mai 2024)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...