Accéder au contenu principal

Esprit critique

cyber


« La désinformation est une drogue, que le patron du KGB Iouri Andropov comparait à la cocaïne : la priorité devrait donc être autant de s’attaquer à sa production et à son trafic, que d’apprendre à ses usagers à s’en défaire et à la population de s’en prémunir », rappelle David Colon, professeur à Sciences Po, historien et spécialiste de la propagande, qui a récemment publié « La guerre de l’information » (Ed. Tallandier). Cette définition, née pendant la Guerre froide, montre que la désinformation, les opérations de manipulation, de déstabilisation, les ingérences d’un pays dans les affaires d’un autre ne sont pas nouvelles. Mais dans des sociétés de plus en plus connectées, où le numérique irrigue des pans entiers de leur fonctionnement dans les domaines économiques, médiatiques, de la santé, de la sécurité, de l’énergie… cette désinformation est désormais démultipliée, peu coûteuse et simple à réaliser. Et d’autant plus facile à mettre en œuvre dans des sociétés démocratiques ouvertes, où les libertés publiques ne sont pas entravées.

En matière d’ingérences, la Russie est bel et bien aujourd’hui la menace la plus importante pour la France et l’Europe. Le rapport de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère (ING2n) du Parlement européen, présidée par Raphaël Glucksmann, l’a parfaitement démontré. Tout comme l’imposant rapport de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire sur « Les opérations d’influence chinoises » de Paul Charon et Jean-Baptiste Jangène-Vilmer avait montré l’étendue des actions de la Chine. Mais il y a bien d’autres acteurs, secondaires mais déterminés, comme on l’a vu avec les ingérences de l’Azerbaïdjan ces derniers jours en Nouvelle-Calédonie.

S’attaquer à la production et au trafic de la désinformation doit être érigé en priorité nationale si l’on veut préserver les fondements de notre démocratie. Si la France et l’Europe ont pris du retard, par naïveté parfois, par manque d’organisation souvent, elles sont en train de mieux se structurer, de mieux collaborer. En France, la DGSE, la DGSI, Tracfin, l’ANSSI et Viginum se coordonnent mieux pour détecter, suivre, surveiller, arrêter les menaces – notamment les cybermenaces – et ceux qui les pensent et les propagent. Et demain, peut-être, riposter si besoin.

Apprendre aux usagers des outils numériques – nous tous ! – à se défaire de la désinformation ambiante que l’on subit et qui nous piège parfois, et à la population à s’en prémunir constitue le second volet d’action contre les ingérences. À cet égard, l’affaire des Mains rouges sur le mur du Mémorial de la Shoah montre que l’on est sur le bon chemin. Calibrée pour indigner – à raison – et diviser, l’opération n’a pas fonctionné. Instruits de la précédente affaire des étoiles de David peintes sur les murs de Paris en octobre et orchestrée par les services secrets russes, les internautes comme la classe politique se sont cette fois méfiés, ont douté, ont attendu que l’enquête avance. Bref ont exercé leur esprit critique de citoyen qui est une arme face à tous les manipulateurs.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 26 mai 2024)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Amers adieux

Un anniversaire… qui vire aux adieux. Air France, qui fête cette année ses 90 ans, a annoncé hier, à la surprise générale, qu’elle allait quitter en 2026 l’aéroport d’Orly et recentrer ses vols intérieurs sur son hub de Roissy-Charles de Gaulle. En quittant ainsi le deuxième aéroport du pays, la compagnie française tourne la page d’une histoire qui avait commencé en 1952, année de son arrivée à Orly. Histoire partagée depuis par des millions de Français qui, tous, peu ou prou, pour le travail ou les loisirs, ont un jour pris un avion d’Air France pour Paris-Orly, ont parfois confondu Orly-Ouest et Orly-Sud, ont accompagné le développement de la compagnie avec le lancement des Navettes vers Toulouse, Nice, Bordeaux, Marseille puis Montpellier, ont découvert au fil des ans les nouveaux Airbus, apprécié la qualité du service à bord, puis, une fois arrivés, emprunté l’OrlyVal pour rejoindre le centre de Paris ou continuer leur voyage avec une correspondance. Si l’annonce du départ d’Air Fr