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Contrechoc

école

Le 5 décembre dernier, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, avait voulu couper l’herbe sous le pied de l’OCDE qui publiait ce jour-là son classement PISA présentant un bilan des compétences des élèves de 15 ans dans des domaines fondamentaux comme les mathématiques ou la compréhension écrite. C’est que pour le jeune ministre, il s’agissait de montrer qu’il entendait agir vite face aux résultats catastrophiques des élèves français, notamment une chute historique du score de la France en mathématiques (-21 points), trois fois plus élevée que dans les évolutions observées dans les enquêtes antérieures.

Au choc de ces mauvais résultats, Gabriel Attal a donc théorisé un « choc des savoirs ». Derrière le slogan facile, une kyrielle de mesures comme le retour du redoublement, de l’autorité, les groupes de niveaux au collège, un diplôme national du Brevet qui conditionne le passage en seconde, de nouveaux programmes dans l’élémentaire, la fin du correctif académique du brevet et du baccalauréat et même un outil d’Intelligence artificielle de remédiation ou d’approfondissement en français et en mathématiques. Un catalogue très fourni, bienvenue pour enfin relever le niveau des élèves selon les partisans de la majorité présidentielle – pourtant au pouvoir depuis alors six ans et donc comptable de ces mauvais résultats. Les opposants, dont la majorité des syndicats d’enseignants mis devant le fait accompli, y ont vu une tentative de diversion face au constat accablant de l’étude Pisa avec des mesures fleurant souvent bon les vieilles lunes et les marottes de la droite.

Au « choc des savoirs », les enseignants opposent donc depuis décembre au gré de manifestations – la dernière ce samedi – un contrechoc en disant leur opposition à ces mesures et à leur philosophie, particulièrement les « groupes de niveau » qui signifient, à leurs yeux, le démantèlement du collège unique. L’actuelle ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, les qualifiait d’ailleurs en 2016 de « fariboles »… Rebaptisés « de besoin » par cette dernière, ces groupes vont séparer les élèves de 6e et de 5e dès la rentrée prochaine en maths et français, puis ceux de 4e et de 3e à la rentrée 2025. Le gouvernement a beau promettre de la souplesse, les enseignants voient mal comment ces groupes « de tri des élèves » pourraient fonctionner sans le recrutement préalable de nouveaux professeurs, jugé impossible à budget constant avec la loi de programmation budgétaire 2023-2027.

La question du « retour » du redoublement, jusqu’alors exceptionnel, fédère, là aussi, les mêmes colères des enseignants qui déplorent que le gouvernement passe outre toutes les études sur le sujet qui montrent autant l’inefficacité des redoublements que leur côté stigmatisant.

Au final, faute de dessiner une vision d’ensemble cohérente, ce « choc des savoirs », par ailleurs rejeté par le Conseil supérieur de l’Éducation, est assimilé par les enseignants et certains parents comme la réforme de trop, qui passe en force en évitant de répondre aux vrais défis de l’Éducation nationale, notamment en termes de rémunération et de recrutement des professeurs, de lutte contre les inégalités et les assignations sociales entre les élèves et de différence de traitement entre le public et le privé sous contrat. Contre ce séparatisme scolaire qu’illustra l’éphémère ministre Amélie Oudéa-Castera, sa prédécesseure Najat Vallaud-Belkacem et le sociologue François Dubet viennent de lancer un appel dans un livre contre les ghettos scolaires et pour davantage de mixité sociale à l’école dont les études montrent qu’elle est bénéfique pour tous les élèves.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 27 mai 2024)

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