Ce vendredi est la Journée de l’Europe, qui commémore la Déclaration Schuman du 9 mai 1950, discours fondateur prononcé avant la naissance de la Communauté économique européenne, l’ancêtre de l’Union européenne. L’occasion, à un mois des élections européennes, de se rappeler ce qui a conduit des pays autrefois ennemis, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, d’unir leurs destins pour assurer une paix durable en même temps qu’une nouvelle prospérité profitable à tous. Dans « Une Europe fédérée », Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe avec Robert Schuman, expliquait alors « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des Hommes », forgeant là un idéal européen, rêvé à la fin du XIXe siècle par Victor Hugo comme des États-Unis d’Europe.
Année après année, l’Union a marqué des points pour avoir trouvé, souvent au terme de rudes négociations entre ses membres, des solutions que seule une communauté d’États était en mesure de mettre en place. Le marché commun, la monnaie unique, des programmes scientifiques, éducatifs (Erasmus), industriels (Airbus, Ariane), la Politique agricole commune, la citoyenneté européenne, etc. : autant de réalisations qui n’ont été possibles que parce que l’union fait la force. Un état d’esprit que l’on a encore vu à l’œuvre lors la législature qui s’achève : les 27, unis, ont pu collectivement surmonter la pandémie de Covid, faire face à la crise énergétique, mieux réguler les géants du numérique ou l’intelligence artificielle.
De la même manière, cette Europe – si souvent prise comme bouc émissaire facile des difficultés intérieures de ses membres – est face à d’immenses défis : quelle place face aux États-Unis, à la Chine, au Sud Global ? Quelles coopérations nouvelles développer, quelles protections de notre souveraineté mettre en place ? Comment réussir la transition écologique et numérique sans laisser personne sur le bord du chemin, ni les agriculteurs, ni nos industriels, ni les plus modestes ? Quel rôle dans les nouvelles technologies émergentes comme l’intelligence artificielle, le quantique, le new space, etc. ? Comment défendre nos régimes démocratiques de plus en plus menacés par des ingérences étrangères, une guerre informationnelle, et une guerre tout court qui frappe à nos portes, en Ukraine ?
Tout cela devrait occuper nuit et jour la campagne électorale et mobiliser l’opinion pour dessiner notre destin. Las ! Depuis des semaines, on assiste à une campagne franco-française qui n’est pas à la hauteur, où s’enchaînent polémiques stériles, invectives personnelles, tambouilles politiciennes, stratégies du coup d’après, c’est-à-dire 2027. Le gouvernement et le président de la République – dont la candidate est à la peine – n’arrangent rien par leurs interventions qui brouillent un peu plus le débat, faisant du 9 juin un scrutin national qu’il n’est pas. Pas étonnant que moins d’un électeur sur deux envisage d’aller voter. Pas étonnant non plus que l’extrême droite, qui tient un double discours entre Paris et Bruxelles, ait le vent en poupe, surfant sur les peurs et les idées simplistes.
Il reste un mois de campagne. Il est temps, collectivement, de se ressaisir pour parler de l’essentiel, parler, vraiment, de l’Europe et des projets que les eurodéputés français défendront avec leurs homologues. Et retrouver l’esprit européen des pères fondateurs de l’Europe.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 9 mai 2024)